Pour Tayeb Ould Aroussi (1), les « expériences littéraires » des classiques algériens présentent toujours de l'intérêt, aussi bien en tant que signe distinct des recherches littéraires globales, qu'en tant qu'approche très personnelle pour ce qui est de la pratique créatrice concrète. D'emblée, l'auteur des Quelques classiques de la littérature algérienne (2) nous dit que « l'aspiration à se comprendre est la propriété originelle de la littérature. Différant selon les époques, elle a toujours été au centre des préoccupations ». A l'époque de Mohamed Ben-Brahim (3) et de Mohamed Bencheneb (4) il était absolument indispensable à la littérature de définir sa place et sa vocation dans une société algérienne colonisée. La complexité du « monde algérien », l'inexistence des contacts entre les intellectuels (de l'époque), tout cela incitait la littérature à comprendre sa mission, son essence véritable dans « la société ». Mais les prosateurs et les poètes des générations suivantes ont ouvert des perspectives nouvelles pour la littérature algérienne. L'expérience de Réda Houhou, Moufdi Zakaria, Malek Haddad et Abdelhamid Benhadouga (le choix est de Ould Aroussi) est, sous ce rapport, très importante. Tayeb Ould Aroussi croit que les meilleurs échantillons de la littérature « rurale » ont démontré leur pouvoir de mémorisation (par exemple : certaines œuvres de Mohamed Ben-Brahim et Abdelhamid Benhadouga). D'après l'auteur, cette « mémoire de la terre » n'est pas un procédé littéraire, mais la nature même de la littérature authentique. Et même, au cas où cette littérature ne s'adresse pas au passé, elle enrichit notre conception historique de la littérature et de la vie. Elle le fait au moyen du langage littéraire, en reproduisant le langage populaire dans sa constance et son évolution. Il n'y a jamais eu d'approche historico-littéraire de la vraie littérature populaire sans cette reproduction de la langue. Histoire des amants de Mohamed Ben-Brahim est le meilleur échantillon de cette littérature populaire. Cette œuvre est pionnière pour la littérature romanesques arabophone. Abordant les œuvres de Réda Houhou, Ould Aroussi pense que cet écrivain se distingue par le fait que ses héros, tout en donnant l'impression de parler d'eux, de penser constamment à eux, sont toutefois « concernés par tous les maux de l'humanité ». Quant à Malek Haddad, son originalité réside dans l'achèvement de tout ce que narre l'écrivain et ce, surtout lorsque l'alternative est : la vie ou la mort. La guerre d'Algérie faisait rage à l'époque. Chez Rabah Belamri (écrivain aveugle), préoccupé non pas de recherche de nouvelles formes littéraires, mais de nouvelles « formes de vie spirituelle », le côté littéraire proprement dit est réduit au minimum. Comme Rabah Belamri, Ali Benachour est mort jeune. Mais il nous a légué un héritage précieux : « Des écrits d'un niveau esthétique élevé », nous dit Tayeb Ould Aroussi : (1) Chercheur algérien. Directeur de la bibliothèque de l'Institut du Monde Arabe - Ima (Paris) (2) Editions Dar El-Hikma (en arabe) Alger (3) + (4) Ben-Brahim a publié son roman en 1846. Bencheneb a été le premier algérien titulaire d'un doctorat en lettres.