Les Archives nationales tracent des repères sur la méthode d'investigation au sujet des disparus de la guerre d'Algérie, avec en prime l'instauration d'un guide numérique. C'est une première à ce niveau officiel. Un rendez-vous autour du Guide numérique des disparus de la Guerre d'Algérie sera proposé le 27 mars aux Archives nationales à Pierrefitte. Ce moment de concertation autour d'une mémoire qui veut en finir avec l'amnésie des dossiers poussiéreux (quand ils existent !) est organisé par le Service interministériel des Archives de France et les Archives nationales en partenariat avec les Archives nationales d'outre-mer, les Archives de Paris et celles de la Préfecture de Police de Paris ainsi qu'avec le ministère des Armées (Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives, et Service historique de la Défense) et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (Archives diplomatiques). C'est dire si les chercheurs seront avides de s'y retrouver pour faire le point sur les blocages et le mutisme, mais aussi sur les avancées annoncées par le président de la République, Emmanuel Macron, en 2018. A cette occasion, le guide numérique sur les disparus de la guerre d'Algérie sera présenté par Brigitte Guigueno et Manonmani Restif, conservateurs en chef au Service interministériel des Archives de France. Suivra une table ronde sur «Identifier, classer, rendre accessible les documents : actualités des services d'archives» et diverses interventions : «Entre mémoire(s) et histoire : les travaux des archivistes sur le fonds de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels» par Vivien Richard, conservateur du patrimoine et Noémie Latte, chargée d'études documentaires aux Archives nationales ; «L'apport de fonds territoriaux : l'exemple de la préfecture d'Alger» par Juliette Patron, conservatrice du patrimoine, chargée des fonds Algérie aux Archives nationales d'outre-mer ; «Les chantiers d'inventaire et de déclassification en cours au Service historique de la Défense» par Bertrand Fonck, conservateur en chef, et Richard Ravalet, chargé d'études documentaires, au Service historique de la Défense. Puis on s'intéressera aux «Recherches sur les disparus de la guerre d'Algérie : Quel public pour quels questionnements ?» par Séverine Blenner-Michel, conservatrice en chef aux Archives du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, Stéphanie Dargaud, conservatrice du patrimoine au Service historique de la Défense et Juliette Patron, conservatrice du patrimoine aux Archives nationales d'outre-mer. «Quelle vérité pour les proches aujourd'hui» Les travaux porteront ensuite sur la manière d'«encourager le travail historique» et recueilleront les expériences de recherche sur les disparus d'Algérie et de métropole, lors d'une table ronde animée et introduite par Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS. Malika Rahal, historienne, chargée de recherche à l'Institut d'histoire du temps présent s'interrogera sur les «Disparus algériens du fait des forces de l'ordre françaises : quelle vérité pour les proches aujourd'hui», avec Fabrice Riceputi, enseignant et historien, animateur avec Mme Rahal du site 1000autres.org. Les participants entendront le témoignage de Samir Zouaou, neveu d'un homme arrêté et disparu. Marc André, historien et Emilie Charrier, chargée d'études documentaires aux Archives nationales, posera le difficile dénombrement des victimes algériennes en métropole entre 1954 et 1962. Le général Henry-Jean Fournier, président de l'association Soldis Algérie, s'intéressera à «L'identification des militaires portés disparus durant la guerre d'Algérie : méthode de travail et difficultés de la recherche». Abderahmen Moumen, historien, parlera des «Disparus harkis après le cessez-le-feu : état des lieux de la recherche». M. Moumen est chargé de mission «Histoire et mémoires de la guerre d'Algérie» à l'Office national des anciens combattants et veuves de guerre. «Les archives du Bureau central des rapatriés et leur apport dans la recherche scientifique concernant les disparus» sera le thème abordé par Jean-Jacques Jordi, historien, avec le témoignage de Colette Ducos-Ader, présidente du Groupement de recherche des Français disparus en Algérie. Un rendez-vous qui restera sans aucun doute marquant, car les chercheurs apprécieront le fait que les Archives nationales, institution officielle, abordent cette question sous toutes ses facettes. Ils seront attentifs pour juger où cela mène : une embrasure provisoire ou le début du dévoilement de ce qui est caché depuis sept décennies. On se souvient d'ailleurs de la très récente décision du Service historique de la Défense d'interdire la consultation des documents tamponnés «secret» ou «très secret», après 1940, ce qui couvre toute la période de décolonisation, ce dont les historiens s'étaient montrés pour le moins déçus.