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Le doux pouvoir des archivistes
Publié dans El Watan le 01 - 11 - 2014

L'édifice est mitoyen avec le CNES. Dans ce même secteur est domicilié également l'Institut national des études stratégiques globales (INESG). Tout ce périmètre est sous la tutelle de la présidence de la République, comme l'indiquent certaines plaques. Pourtant, il suffit de lancer «salam âlikoum» pour que l'atmosphère se dégèle. Le vigile militaire nous oriente gentiment vers la réception «civile» du Centre. Là, un agent nous assure d'emblée qu'il est tout à fait possible d'accéder au bâtiment. Il nous remet un badge avant de nous inviter à escalader les marches de l'édifice monumental. Et ce temple bien gardé de nous ouvrir ses portes.
Au rez-de-chaussée, équipé d'un sas de sécurité, une hôtesse, assistée d'un jeune en uniforme, nous accueille avec un grand sourire. Elle nous invite à déposer notre téléphone portable et tout ce qui est matériel électronique : clé USB, appareil photo, dictaphone…Elle glisse le tout dans un petit sac en plastique avant de nous inviter à monter à la « salle de lecture », sise au deuxième étage. «Port de badge obligatoire pour le personnel de la Présidence», lit-on dans les couloirs. A la salle de lecture, quatre archivistes absolument charmantes – car ce sont toutes des femmes – nous gratifient d'un accueil chaleureux qui contraste avec l'aspect extérieur du building et le dispositif sécuritaire qui l'entoure.
«Vous êtes bien entré sans problème !»
Pour nos généreuses hôtes, il est injuste d'insinuer que l'institution qu'elles représentent entrave la recherche historique. «Vous êtes bien entré sans problème !» sourit une archiviste. «La chef de service va vous recevoir», poursuit-elle, sans protocole. Dans l'intervalle, notre aimable interlocutrice nous abreuve d'un flot d'informations sur le fonctionnement du centre dirigé par Abdelmadjid Chikhi. «Le Centre national des archives n'est pas ouvert qu'aux chercheurs. Il est ouvert à tout citoyen pour peu que les documents recherchés se trouvent à notre niveau», explique-t-elle.
Il faut noter que le CAN n'abrite pas que les archives historiques stricto sensu, mais recèle également quantité de documents qui intéressent directement le citoyen lambda. Parmi eux, les registres de l'époque coloniale consignant les naissances. Il ne s'agit pas de registres d'état civil, mais ils contiennent un numéro d'identification qui permet aux personnes qui peinent à se faire délivrer, à titre d'exemple, un extrait de naissance de l'un de leurs aïeux, qui serait introuvable à la mairie, de reconstituer sa «traçabilité administrative» grâce aux archives.
D'ailleurs, beaucoup parmi les visiteurs qui sollicitaient les services de nos archivistes durant notre présence étaient venus pour ce type de requêtes, généralement un acte de naissance à la main. «Pour les affaires d'héritage, ces documents sont importants», observe une archiviste. Le personnel de la salle de consultation nous invite à prendre nos aises et explorer les lieux à notre guise. La salle est constituée d'un comptoir derrière lequel officient les archivistes, qui fait figure de banque de prêt comme dans une bibliothèque universitaire.
Tout le reste est meublé de tables séparées, au design attrayant, mises à la disposition des consultants. Entre de grosses colonnes en marbre sont conservés des livres sous verre. «Ce sont des dons faits par des particuliers», nous explique-t-on. Au fond de la salle, des rayonnages entiers sont consacrés à des compilations du Journal officiel du temps du GGA (Gouvernement général de l'Algérie) et de la période post-indépendance. Y sont rangées aussi des collections de la Revue Africaine ainsi que des registres en turc.
Des postes informatiques permettent aux chercheurs de consulter le fonds archivistique disponible avant de formuler leur demande. Dans un coin, à droite du comptoir, trône un mobilier réservé aux «outils de recherche», précisément l'index et le répertoire qui permettent d'avoir un accès rapide au contenu du fonds archivistique. Sur ces étagères, on peut découvrir des fonds privés confiés aux bons soins du Centre, à l'image du «Fonds Mehri» et du «Fonds Bennoune», en référence respectivement à Si Abdelhamid Mehri et au professeur Mahfoud Bennoune.
Des formulaires sont mis à disposition, sur le comptoir, pour chaque type de demande. On y trouve des «fiches de consultation» de documentation, un formulaire relatif aux personnes détenues durant la période coloniale, un autre pour les demandes de dérogation concernant des archives spécifiques, et qui sont soumises au «visa» d'une commission spéciale. Un autre formulaire concerne des actes consignés dans les registres des tribunaux religieux (période ottomane).
40 archivistes pour un fonds colossal
La responsable du département Conservation et traitement des Archives, Mme Naïma M., vient à notre accueil. Elle nous reçoit sans rendez-vous et nous parle à cœur ouvert de sa mission. Elle nous explique que le Centre des Archives Nationale est organisé en deux principaux blocs : le département «Conservation et traitement des Archives» dirigé par ses soins depuis un peu plus d'un mois, et le Département technique dédié à la «restauration, la reproduction et le microfilmage». Le Centre compte en tout une quarantaine d'archivistes, diplômés, pour la plupart, en bibliothéconomie.
«Ce n'est pas suffisant», avoue la chef de service, pour gérer un fonds de cette taille. L'institution est dotée également d'une bibliothèque au catalogue dense et riche. Le Centre conserve jalousement les archives de l'époque ottomane, de vieux manuscrits du patrimoine des zaouïas, et, bien sûr, les documents de la période coloniale, notamment les archives des différentes administrations qui relevaient du Gouvernement général (GGA) : Eaux et forêts, Intérieur, Police, Fonction publique…
Le fonds relatif à la Guerre de libération nationale est désigné sous l'appellation «Fonds GPRA» et «Fonds CNRA». Ils couvrent, en réalité, une masse foisonnante de pièces FLN/ALN dépassant ces sigles. «Nous avons 400 boîtes GPRA et 10 boîtes CNRA-GPRA» précise notre hôte. Dans ce trésor en papier, on peut dénicher également une collection d'archives photographiques, essentiellement le fonds «Labudovic», du nom du photographe yougoslave Stevan Labudovic qui avait fait un travail exceptionnel dans les maquis de l'ALN.
Un travail titanesque de numérisation a été engagé depuis 2004», souligne notre guide, pour prémunir les informations historiques de l'action du temps et éviter une trop grande manipulation des originaux. «Tous les fonds importants ont été numérisés», assure la chef de service. «Le fonds FLN/ALN est totalement numérisé. Le fonds ottoman est microfilmé», ajoute-t-elle.
En termes de coopération avec le public universitaire, le Centre des archives nationales est ouvert particulièrement aux étudiants en bibliothéconomie qui préparent leur mémoire de licence et sont appelés à devenir les archivistes de demain. Pour ce qui est des étudiants en histoire, le Centre ne reçoit que ceux qui préparent un mastère ou un doctorat. Exit donc les étudiants des échelons inférieurs. «Il y a également les avocats, les architectes qui viennent consulter les plans de la ville d'Alger.»
De la communicabilité problématique des archives
Reste l'épineuse question du libre accès des historiens aux archives, et qui est régulièrement remise sur le tapis. Dans une déclaration de principe, la chef du département Conservation et traitement des Archives lance avec enthousiasme : «C'est avec un grand plaisir que nous aidons les chercheurs». «D'ailleurs, il y a deux chercheuses en histoire qui viennent ici chaque jour, à tel point qu'on les confond avec les archivistes», appuie-t-elle, avant de reprendre : «Toutes les archives sont à la disposition des historiens, hormis celles qui sont protégées par la loi.»
La loi n°88-09 du 26 janvier 1988 relative aux archives nationales précise en son article 23 : «L'institution chargée des Archives nationales doit permettre l'accès aux archives à des fins de recherche». La responsable du département poursuit : «On n'a jamais refusé une demande, sauf si cela est susceptible de porter atteinte aux intérêts de l'Etat ou bien à la réputation et à la dignité des personnes.» A ce propos, une archiviste indique que, pour ce qui est des personnes et des familles, «le délai de communicabilité des archives est de 100 ans.»
Il faut savoir, au demeurant, que dans le formulaire intitulé «Demande de consultation d'archives», le requérant «s'engage à ne pas utiliser les documents reçus de manière à porter atteinte à la vie privée des personnes dont les noms sont cités ou aux secrets protégés par la loi, et qui pourraient nuire aux personnes, aux familles, aux institutions ou entreprises ou associations citées sur ces documents».
Comme nous le disions, les documents jugés «sensibles» sont soumis à une demande de dérogation. Parfois, cela peut requérir l'autorisation du directeur. La chef de service évoque, sans le dire, une forme de pouvoir discrétionnaire dont disposeraient les gardiens de notre mémoire archivistique et qui vise à faire en sorte que les archives ne fassent pas l'objet d'un «usage malveillant». «Même si la communicabilité de certains documents est établie, nous tenons compte de l'usage qui en est fait, surtout au regard du contexte que nous traversons», argue notre interlocutrice.
Des archives sur Ghardaïa refusées
Elle cite au passage cet exemple fort éloquent : «Récemment, un chercheur voulait consulter des archives relatives à la région de Ghardaïa et nous avons refusé de les communiquer en raison de la conjoncture délicate que traverse cette région et tout ce qui se passe à nos frontières, et ce, par souci de préserver la paix dans notre pays.» Nombre de chercheurs que en avons rencontrés hors du Centre des archives ont attiré notre attention sur la différence de traitement qui leur est réservé entre les fonds d'archives en Algérie et ceux consultés à l'étranger.
«Pour avoir consulté les archives de Vincennes, je comprends pourquoi les historiens français produisent autant. C'est parce qu'ils ont à leur disposition toutes les archives. La matière première, elle, est à leur portée. En plus, on vous encourage à la consulter. On vous permet d'utiliser votre appareil photo numérique pour photographier les documents, ce qui n'est pas le cas ici», témoigne le professeur Mohamed El Korso. La chef de département affirme, de son côté : «Nous faisons nous-mêmes des photocopies des documents requis, à titre gracieux, au profit de ceux qui le demandent et nous leur remettons également, si besoin, un CD pour les documents numérisés.»
Naïma soulève un autre écueil : «Le problème est que nous manquons d'effectifs et, souvent, nous recevons beaucoup de monde. Comment répondre à une telle demande avec quatre archivistes dans le service ? Qui plus est, certains chercheurs nous demandent une quantité considérable de pièces sans tenir compte de nos contraintes.» Au-delà de ces contraintes techniques et humaines, il y a fort à parier que les gardiens de notre mémoire archivistique sont soumis à d'autres types de pressions, à caractère politique celles-là, visant à empêcher une écriture «démocratique» de l'histoire.
Et c'est la recherche historique qui en fait les frais. L'écart ne peut donc que se creuser davantage avec la production historiographique de l'autre rive. «C'est la raison pour laquelle la plupart de nos étudiants et de nos collègues, vu les facilités qu'ils ont ‘‘là-bas'', préfèrent aller consulter les archives en France plutôt qu'en Algérie. C'est malheureux de le dire, mais c'est la réalité», regrette Mohamed El Korso.


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