Alger a-t-elle troqué sa réputation de « Mecque des révolutionnaires » pour celle, sans gloire, de plaque tournante des agences et centrales de renseignement étrangères ? L'Algérie espionnée ? Certainement. C'est même un secret de Polichinelle. Très souvent, elle est espionnée « à l'insu de son plein gré ». En janvier 2009 éclate au grand jour l'affaire Andrew Warren. Les Algériens apprennent, médusés, l'existence d'une « antenne officielle » de la CIA à Alger, dont Warren, accusé aux Etats-Unis de viol sur deux Algériennes, était le patron. Le « number one ». Si les rumeurs persistantes faisant état de l'existence d'une base d'écoute de la CIA et d'une présence militaire américaine dans le Sud n'ont jamais fait l'objet d'un démenti catégorique, le « scandale Andrew Warren » a vite fait sortir l'ex-puissant ministre de l'Intérieur de son mutisme. Le 19 février, Noureddine Yazid Zerhouni annonçait qu'une « enquête » ciblait désormais l'espion US dont les actes (viols) pouvaient être ceux d'un « pervers », a-t-il dit, ou ceux d'un agent « recruteur » pour le compte la Central Intelligence Agency. « On ne sait pas si ces actes ont été commis par un pervers ou s'il s'agit d'un moyen pour faire pression sur les ressortissants étrangers (les deux Algériennes seraient, selon lui, des binationales, ndlr) à des fins de recrutement », déclarait le ministre-colonel, ancien « n°2 » des « services » algériens. Pas un mot sur cette fumeuse « antenne de la CIA » qui passe pour une « presque évidence » dans le landerneau algérois. « Ce sont des usages et des pratiques courantes, connues et admises dans les relations internationales », commente un ancien haut responsable. Si pour la Cia et le FBI, leur présence est officiellement agréée à Alger, la question de savoir quels sont les autres services de renseignement à bénéficier d'un statut équivalent coule de source. Qu'en est-il de la DGSE, du SIS (GB), du Mossad, des Moukhabarate égyptiens, de la DGST, de la DGED de sa majesté Mohammed VI, du CSIS chinois ? Secret par nature, le monde glauque et impénétrable de l'espionnage et du contre-espionnage ne déborde pas moins l'actualité nationale. Plusieurs affaires d'espionnage ont été révélées, ces dernières années, par la presse nationale. Dernière en date, l'affaire de l'espion du Mossad « disparu » en Algérie. Nombre de canards nationaux en ont fait l'écho, reprenant le quotidien israélien Yediot Ahronot. Celui-ci révéla, dans sa livraison du 26 mars dernier, qu'un « touriste » israélien, entré légalement en Algérie avec un passeport espagnol, n'avait plus donné de signe de vie. « L'homme disparu aurait contacté sa famille avant sa disparition, il y a une semaine, en leur annonçant qu'il va bien et qu'il a été arrêté par les services de sécurité algériens et interrogé sur le but de son entrée en Algérie », a écrit le quotidien israélien. Le Mossad en Algérie, rien d'étonnant pour un pays qui fait du soutien à la cause palestinienne une « affaire d'Etat ». Des Algériens roulant pour les services israéliens ? Le fait n'a aussi rien de très surprenant. Le 7 juillet 2007, le tribunal de Tizou Ouzou condamne à 10 ans de prison ferme « l'agent algérien du Mossad » S. Sahnoune. Arrêté au Maroc en 2005, remis aux services algériens, Sahnoune, 44 ans, affirmant avoir été « journaliste dans plusieurs pays africains, dont le Bénin », avant d'atterrir à l'ambassade d'Espagne à Alger comme « chargé de communication », a « reconnu » être membre d'un « vaste réseau d'espions arabes » pour le compte du Mossad. Il aurait été « recruté » à Bangkok en 1996, formé à l'espionnage à Tel-Avis. Sa mission ? « Collecter des informations sur la sous-région du Maghreb et les pays africains » moyennant un salaire mensuel de 1500 dollars. Les démêlés du Mossad avec l'Algérie (ou plutôt le contraire) n'en sont qu'à leurs balbutiements. En septembre 2009, le magazine américain Times révélait, quant à lui, que le commando pirate du cargo russe Arctic Sea – dont la cargaison, du bois, destinée à être livrée au port de Béjaïa – était du Mossad. D'après le Times, un haut fonctionnaire dans l'Union européenne, Tarmo Kouts, ancien chef de l'armée estonienne, rapporteur de l'UE sur la piraterie, a déclaré que le navire russe « qui a été enlevé dans des circonstances mystérieuses à la fin de juillet et récupéré par la marine russe à la mi-août (au large des côtes de Cap Farda, dans l'océan Atlantique), a été détourné par l'entité sioniste ou par des forces israéliennes spéciales ». Motif : l'Arctic Sea aurait transporté des missiles Cruze-x 55 destinés à l'Iran ou à la Syrie. Les agents de la CIA, du Mossad et de la DGSE ne sont toutefois pas les seuls à investir les pays d'Afrique du Nord et, récemment, ceux du Sahel (affaire de l'otage français Pierre Camatt), « ventre mou » de la région, nouvel « arc stratégique » des services d'espionnage occidentaux. Les Moukhabarate égyptiens se mettent aussi de la partie. Moukhabarate égyptiens En novembre 2009, en pleine crise algéro-égyptienne, des journaux algériens faisaient état de l'arrestation d'un espion égyptien à l'ouest du pays. Arrêté le 24 octobre 2008, Mohamed Ibrahim, alias Mohamed El Iskandarani El Ghaouas, 24 ans, a été condamné par le tribunal d'Oran à 15 ans de prison ferme. Employé comme soudeur pour le compte de la SAPSI, société égyptienne de maintenance de matériels pétroliers, El Iskandarani avait pris des clichés de l'infrastructures stratégiques de la zone industrielle d'Arzew et de Béjaïa. Sa « complice », une Algérienne de Sétif, chargée d'expédier les colis et les CD-Rom en Egypte, écope de dix ans de prison ferme. Autre affaire, révélée en mai dernier par la presse égyptienne (le quotidien El Wafd), impliquant non du menu fretin mais du gros poisson. Amr Moussa, l'actuel secrétaire général de la Ligue arabe, aurait espionné, en 1991, alors qu'il était ministre des Affaires étrangères égyptien, le programme nucléaire algérien. Des informations qui auraient ensuite été livrées par les Moukhabarate à l'Administration US. Le journal égyptien se réfère à un document secret de l'Administration américaine qui révèle le contenu des discussions entre Richard A. Clarke, ministre adjoint du secrétaire d'Etat chargé des Affaires politiques et militaires à l'époque, lors de sa visite au Caire, au mois de mai 1991, et sa rencontre avec le ministre égyptien des Affaires étrangères à l'époque. Le 5 mai, Amr Moussa convoque une conférence de presse dans laquelle il niera en bloc l'accusation portée contre lui. « Ce qui a été rapporté n'est rien d'autre qu'une allégation », avait-il déclaré.