Durant la décennie noire, par instinct de conservation, de véritables marées humaines ont fui leur douars pour déferler sur les grandes agglomérations sécurisées. Si les grands fellahs ont pu s'offrir des logements décents et même des villas, leurs travailleurs désargentés ont difficilement dégoté un espace pour grossir les bidonvilles qui ceinturent les principales localités de la wilaya. La ville de Tiaret ainsi que Aïn El Hadjar et Rebahia ont connu un exode rural dépassant allègrement les 20% de leur population. Selon les informations recueillies, 2074 familles ont rejoint 86 douars en 2009. Un nombre qui peut atteindre plus de 3000 familles. Il existe plusieurs cas de figure et l'on ne peut connaître exactement le nombre de familles qui résident dans les zones rurales. Il y a eu un éclatement des cellules familiales créant un véritable conflit de générations. Les jeunes ont opté pour les zones urbaines et leurs parents se sont installés dans les douars. Une autre catégorie de fellahs, généralement aisés, habitent dans des villages à proximité de leurs terres et font la navette quotidiennement entre leur terre et les cités urbaines pour passer la nuit. Avec la sérénité et la quiétude retrouvées, des milliers de familles ont repeuplé les douars qu'ils ont désertés. D'autres ont par contre boudé les zones rurales. Pour Kheira, une mère de famille âgée de 55 ans, illettrée, qui résidait au douar El Amri et qui, actuellement, vit au village de Rebahia : « Je ne retournerai plus à la campagne, véritable bourbier en hiver et une étuve en été ; là bas, nous étions complètement isolés du monde. Là, à Rebahia, il ya les mariages, les fêtes, le bain, la coiffeuse, les amies. S'il veut se remarier qu'il le fasse, moi je reste ici avec mes enfants ». Kaddour 40 ans marié et père de trois enfants en bas âge : « Ma femme refuse de quitter la ville pour s'installer dans ma ferme située dans la daïra de Youb. Je vais prendre une seconde épouse si elle s'entête dans son choix ». Un choix difficile Pour Ali, un jeune de 18 ans, résidant dans un bidonville de Aïn Therath : « Je ne peux pas perturber ma scolarité et vivre à la campagne. J'ai grandi ici, j'ai des amis et des habitudes, nous attendons pour bénéficier d'un logement social ou d'un lot de terrain. Que vais-je faire au douar ? » et un autre jeune campagnard de dire : « Nous voulons bien retourner mais nous n'avons absolument rien. On nous demande de revenir au douar et d'attendre l'aide qui tarde à venir ». Les familles qui ont rejoint leurs douars d'origine n'ont pas été sérieusement prises en charge bien que des promesses aient été faites. Les habitants du douar de Ouled Hachemi dans la daïra de Aïn El Hadjar, par exemple, ont écrit à tous les responsables de la wilaya pour réclamer l'alimentation en eau potable, l'aménagement des routes et des pistes, la réouverture de l'école primaire et le soutien agricole. Les mesures incitatives enclenchées par l'Etat pour le retour des fellahs se heurtent à des lenteurs administratives accablantes que dénoncent les concernés démotivés par de tels comportements.