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« Chômeurs-suicidaires » de Ouargla : Un profond malaise social
Publié dans El Watan le 06 - 08 - 2010

Une dizaine de jeunes chômeurs ont tenté un suicide collectif la semaine dernière à Ouargla (Sud). Tailladés de coups de couteaux, le teint brûlé par un soleil de plomb, ils présentent le nouveau visage de la protestation des jeunes contre une gestion par à-coups du dossier de l'emploi. Des jeunes issus de milieux très défavorisés, pères de famille pour la plupart, sans bagage scolaire, et portant les stigmates d'une vie qui ne leur a pas fait de cadeau. Ils veulent tout simplement travailler même dans les conditions les plus rudes, de simples manœuvres : ils ne demandent pas plus pour tenter de s'en sortir eux et leurs familles délaissés par la société, oubliés par la solidarité et accusés de simuler la pauvreté. El Watan Week-end a rencontré deux des « chômeurs-suicidaires ».
Ghribi Omar, 32 ans, ferrailleur : Le suicide est devenu ma seule façon de m'exprimer
« Je ne sais pas parler, je sais travailler. On m'impose une situation intenable. Personne ne veut nous écouter, tout le monde nous rejette. J'ai deux filles, un garçon et une famille de 11 personnes à ma charge. Je suis l'aîné. Mon père, un retraité vaguemestre de Sonelgaz touche 11 000 DA. Alors le suicide est devenu ma seule façon de m'exprimer. Je suis ferrailleur professionnel, j'ai fait une bonne prestation à Dywidag, la société allemande. J'estime être apte à travailler dans n'importe quel chantier, je suis prêt à tout faire. Mes déboires sont similaires à mes amis : des affectations sans lendemain, à chaque fois, nous sommes renvoyés par le poste de police, le bulletin avec le cachet de l'Alem ne vaut rien, on nous dit à chaque fois qu'aucune offre n'a été déposée chez eux. Pourtant, nous sommes officiellement orientés pour effectuer des tests. Personnellement, j'ai été renvoyé sans suite de l'Energa Hassi Messaoud, l'Enageo GTP Hassi R'mel qui m'ont demandé une expérience de 5 ans certifiés, alors que je ne travaille que chez des privés. Nos entrepreneurs exigent 3000 DA pour remettre un certificat de travail. Je n'ai jamais travaillé 5 ans de suite dans un même poste. J'adhère à ce mouvement de protestation et je ne me tairai plus, je frapperai à toutes les portes, car je suis persuadé que la mort vaut mieux qu'une vie misérable. Mes enfants vont bientôt être scolarisés, ils méritent une vie meilleure. »
Ghobchi Madani, 26 ans, manœuvre de sonde : La mort vaut mieux que cette vie indigne
« Ce sont les fausses promesses qui m'ont conduit à ce geste désespéré. Les mensonges, mon chômage chronique, la misère de ma famille me poussent vers tous les extrêmes. Je ne veux plus me taire, ni habiter dans un trou à rat, ni voir les miens mourir de faim, ne pas pouvoir soigner mes vieux parents, ne pas pouvoir acheter de jouets à mon petit frère handicapé… Depuis la fin de ma scolarité au CEM, en 1998, je travaille pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Mille métiers, mille misères, car avec un tel niveau scolaire, on ne peut pas aller loin. Nous sommes une famille de huit personnes, aucun salarié, nous habitons à Saïd Otba-Ouest dans un deux pièces, notre cuisine fait office de salle d'eau et je squatte depuis trois ans un des locaux octroyés pour les jeunes commerçants par le président de la République et qui sont fermés depuis des années pour laisser mes sœurs dormir entre elles. Hier, j'ai trouvé un scorpion sous mon oreiller.
« Je me suis poignardé »
Je vais tous les soirs au marché de légumes pour demander les fonds de cageots. La tante maternelle du directeur de l'Alem (agence locale de l'emploi) est notre voisine, elle est venue nous voir et a dit à son neveu que notre situation ferait « pleurer les pierres (nbekkou lahdjar) ». Vous ne pensez pas que la mort vaut mieux que cette vie indigne ? Je suis manœuvre de sonde, j'ai une attestation de travail le certifiant. Le problème est que des gens sont embauchés s'inscrire à l'Agence de l'emploi. Ce n'est jamais notre tour. J'allais chaque semaine à l'agence, ils savent tout sur ma situation sociale difficile. En avril, j'ai fait un sit-in, j'ai exigé un travail, ils m'ont ramené les forces de l'ordre, je me suis poignardé, quand ils ont vu le sang, ils ont paniqué et m'ont promis un poste. Ils m'ont envoyé à l'Enageo comme manœuvre pour un contrat de 3 mois, quand le médecin de l'entreprise m'a ausculté, il m'a refusé l'entrée, car les câbles sont trop lourds à porter et mes plaies étaient encore béantes. Deux mois après, on m'a affecté au Sahara comme manœuvre, le recruteur qui m'a reçu m'a fait un test en langue française, il fallait que je lui décrive les pièces d'une machine que je n'avais jamais vue. Résultat : faible, donc non embauché. Après, ils m'ont envoyé comme jardinier à Weatherford, d'emblée ils m'ont affecté au service de sécurité, j'avais beau leur dire que je n'avais pas fait mon service militaire, ils ne voulaient rien entendre. De retour à Ouargla, j'ai pris une bouteille d'essence et je suis monté sur le toit de l'agence de l'emploi, j'ai exigé une solution à mon problème. Abdelhamid Boutebba, directeur de l'Alem, m'a refait un bulletin comme jardinier, mais ils ont refusé de m'embaucher entre temps.
« La justice tranchera »
Je ne veux plus aller chez les petits privés et les sociétés qui nous renvoient. J'ai assez trimé pour vouloir mieux. Et encore une fois, après les fausses promesses des responsables qui nous ont promis une régularisation le jour de notre tentative de suicide, j'ai compris que mon problème est celui de beaucoup d'autres jeunes, nous ne sommes pas minoritaires et ne demandons pas l'impossible. Il faut une équité dans les affectations, nous refusons que les postes intéressants et bien rémunérés profitent aux mêmes, aux enfants des quelqu'uns. Eux, ils sont manœuvres de sonde pour 10 millions de centimes et plus à Andarko et Weatherford et pour les pauvres que nous sommes, l'orientation va directement vers des postes à 15 000 DA. En tout cas, nous ne nous tairons plus, les vacances en Tunisie ce n'est pas pour nous. Nous avons constitué un fonds documentaire, un dossier bien fourni et des recours ont été envoyés à qui de droit, au wali aussi qui dit que nous sommes des chômeurs de luxe voulant troubler l'ordre public avec des photos des trous à rat ou nous habitons, au président de la Ligue des droits de l'homme et même au président de la République. Et ce dimanche, nous déposerons une plainte contre les responsables de l'Alem. La justice tranchera. »
Lakhdar Mokrani. Ex-membre de l'Association nationale de défense et de promotion du droit au travail : Le chômeur n'a aucun interlocuteur valable
Le discours officiel tend à valoriser les acquis du secteur de l'emploi, quelle est votre évaluation de la situation à Ouargla ?
En vérité, il y a une amélioration de la situation depuis 2004, la protestation à l'époque a eu pour fruit une prise de conscience de la part des pouvoirs publics, la réglementation a changé et l'instruction du chef de gouvernement de l'époque ordonnait de donner la priorité aux jeunes de la région dans l'embauche. L'autre point positif est l'obligation faite aux entreprises de déposer leurs offres d'emploi auprès de l'Agence nationale de l'emploi. En tant qu'observateurs externes, nous avons constaté que ces six dernières années ont vu l'augmentation sensible des offres et le passage régulier par l'ANEM qui affiche les postes. Cette même agence a amélioré son staff et ses équipements, elle compte plusieurs consultants et cadres à présent. Malgré la stabilité, la protestation persiste certes, ça vient des jeunes qui n'ont pas de qualification et dont le seul recours ne peut être que le bureau de main-d'œuvre. Pour cette frange de demandeurs d'emploi, car je précise qu'il faut faire la distinction entre chômeurs et demandeurs d'emploi, le seul dispositif ouvert tant pour l'âge qui est de 18 ans jusqu'à la retraite que pour le niveau scolaire qui commence très bas est justement l'ANEM d'où la pression quotidienne sur ses guichets. Or, le marché de l'emploi a évolué et les données économiques aussi. Les multinationales activant à Hassi Messaoud exigent des pré-requis, une formation solide, une culture générale, une façon d'être qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Ces entreprises viennent pour de gros enjeux économiques et non pas pour faire du social et personne ne peut leur imposer quoi que ce soit.
Vous qualifiez donc les protestataires de demandeurs d'emploi et non pas de chômeurs, sans niveau, sans qualification et exigeant des contrats à durée indéterminée fortement rémunérés ?
C'est la masse des non qualifiés qui verse dans l'émeute. Ils demandent des postes précis, des sociétés précises et non pas des postes. Ils préfèrent les grandes entreprises nationales pour avoir des contrats ouverts et un bon salaire en tant que manœuvres en général. Ils disent que les conditions sont rédhibitoires. Pour moi, c'est du nivellement par le bas, car les exigences du marché de l'emploi doivent inciter nos jeunes à se former et à s'améliorer. Par ailleurs, nous sommes dans une zone spécifique où les offres de formation professionnelles sont inadaptées au marché de l'emploi. Il faut une coordination entre les entreprises et les centres de formation pour former des jeunes à la carte et permettre une embauche directe.
Vous pensez donc que les pré-requis sont acceptables, y compris la maîtrise des langues étrangères pour de simples manœuvres quand les plus hautes instances du pays admettent le déficit dans l'enseignement des langues vivantes dans le sud ?
Ce sont surtout les multinationales qui l'exigent et c'est normal. Il faut un minimum de conversation basique dans une autre langue que l'arabe quand on veut travailler dans une entreprise étrangère. Je n'ai rencontré ce problème qu'une seule fois, avec la BJSP, qui exigeait un niveau élémentaire en langue française et en outil informatique pour des chauffeurs. Nous avons accompagné la protestation des jeunes orientés à ces postes et la société a revu ses conditions à la baisse.
L'évolution est positive, pourquoi la protestation persiste selon vous ?
J'ai constaté que les dispositions prises par le wali tant dans la mise à contribution de notre association dans les rencontres d'évaluation, le suivi des offres, des orientations et des tests d'embauche ont donné de bons résultats. Nous sommes allés jusqu'à ester l'ancien directeur de l'agence en justice suite à ses dépassements et à cause de son rapport qui a induit la présidence de la République en erreur concernant l'existence de 3000 jeunes chômeurs refusant des postes à 18 000 DA. La justice a tranché en notre faveur. C'est vous dire que la voie légale est longue, mais elle paie à long terme, seulement il n'y a pas eu de relève. Les commissions sont inefficaces, le suivi est négligé en dehors des périodes de crise, le chômeur n'a aucun interlocuteur valable. Les pressions devenaient trop fortes, la crise de représentativité a eu raison de notre volonté de bien faire et la désorganisation sociale est telle que nous n'avons pas pu continuer au-delà de 2007. Les jeunes sont à présent livrés à eux-mêmes d'où l'existence de cas extrêmes.


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