La journée d'hier n'avait rien de spéciale pour les journalistes de Constantine. Hormis une petite collation organisée par la section syndicale du quotidien An Nasr pour ses propres adhérents, aucune autre manifestation n'a été enregistrée pour célébrer la Journée mondiale de la presse dans la capitale de l'Est. Au sein des rédactions locales, les journalistes s'acquittaient de leurs tâches habituelles oubliant jusqu'à la date du 3 mai. C'est la première fois depuis des années que l'occasion passe dans un tel climat de morosité. Les autorités locales avaient l'habitude d'honorer ne serait-ce que symboliquement la corporation, alors que les journalistes organisaient eux-mêmes leur manifestation. Le minimum était de rendre hommage aux confrères tombés sous les balles du terrorisme islamiste. Au niveau national, la situation de la presse, notamment écrite, s'est dégradée d'abord sous les coups de la politique de répression, mais aussi à cause de l'exploitation, souvent passée sous silence, qui caractérise les rapports entre le journaliste et son employeur. Dans la province, pour reprendre le qualificatif d'un chroniqueur local, les journalistes vivent dans l'isolement et accusent plus que d'autres les déconvenues du métier. Traînés devant les tribunaux, pressés par les maffias locales et sous-payés par un employeur qui n'est souvent qu'une voix au téléphone, le correspondant fait de la résistance et puise dans son amour du métier d'écrire pour s'accrocher. A Constantine, les autorités locales ont perdu l'élégance du geste, alors que le syndicat local est plombé depuis sa naissance par une incroyable inertie. Le ratage de cette année est un point d'interrogation dans la marche de la presse constantinoise. Il est aussi le reflet d'un engourdissement qui prélude à une désorganisation non souhaitable et qui va à l'encontre des intérêts des journalistes dans une conjoncture qui leur est peu favorable.