Avec la poursuite des actes terroristes qui a atteint hier un nouveau pic suite à la mort de 11 militaires tombés dans une embuscade dans la wilaya de Khenchela, le projet d'amnistie générale cher au président Bouteflika a-t-il encore un sens ? A mesure que se dessinent à grands traits les contours de ce projet qui est l'objet de vives controverses dans la société, les terroristes encore en activité font monter la pression comme pour délivrer des messages au Pouvoir. Il y a quelque chose de moralement malsain et de politiquement dangereux dans cette politique de main tendue du Pouvoir aux terroristes lesquels, non seulement refusent de la prendre, mais bien pire, profitent de ce climat de « ni guerre ni paix » dans lequel est plongé le pays depuis l'annonce du projet d'amnistie pour perpétrer des actes terroristes encore plus sanglants et plus meurtriers. A travers les attentats ciblés comme celui de ce dimanche à Khenchela, les terroristes cherchent-ils à peser dans le débat autour du projet d'amnistie pour négocier avantageusement leur retour à la société ? L'essence même d'une initiative politique comme l'amnistie, c'est qu'elle soit bâtie sur des relations de confiance et une volonté partagée de sceller la paix dans la dignité et le respect de la mémoire des victimes du terrorisme. Encore une fois, les autorités ont été bien naïves de croire qu'elles pouvaient toucher le cœur et la raison d'individus qui n'ont jamais demandé un quelconque geste de clémence à l'Etat et qui entendent poursuivre dans la voie qu'ils se sont choisie défiant ainsi quotidiennement l'Etat et son projet d'amnistie. Que faut-il de plus aux pouvoirs publics pour enfin se rendre à cette évidence qui crève les yeux que les activistes qui sont encore dans les maquis ne veulent ni d'amnistie ni de paix négociée ? Ils l'ont clairement fait savoir par le passé avec le rejet catégorique qu'ils avaient opposé aux initiatives de la rahma et de la grâce amnistiante en refusant de déposer les armes comme l'ont fait de nombreux autres terroristes qui ont préféré contraints et forcés la solution du repentir à celle, suicidaire, de la violence éternelle. Ceux qui étaient convaincus du bien-fondé de la politique de la rahma du Pouvoir et qui ont sauté sans se faire prier dans les trains successifs de la réconciliation qui ont traversé l'histoire du pays au cours de ces dernières années ont retrouvé leur famille, blanchis comme sous l'effet d'une lessive-miracle de tous leurs forfaits. Les autres, tous les autres qui continuent de semer la mort même s'ils ont désormais perdu de leur capacité de nuisance, ceux-là n'ont cure de l'amnistie ! Et s'il fallait des preuves pour s'en convaincre, il conviendrait simplement de s'interroger pourquoi les repentis sont-ils ciblés par leurs « frères d'armes » terroristes qui se trouvent encore dans les maquis. La question se pose alors de savoir s'il y a encore parmi les groupes terroristes des éléments « amnistiables » et si le projet d'amnistie a encore un sens après les multiples tentatives du genre initiées par le passé par le Pouvoir avec des résultats diversement appréciés. L'obstination du Pouvoir à s'accrocher à une initiative politique qui a atteint toutes ses limites en termes de productivité en voulant recycler des éléments qui refusent de rentrer dans la normalité a quelque chose de troublant et de suspect. Les interrogations et les interprétations que suscite au sein de l'opinion l'attitude du Pouvoir par rapport au projet d'amnistie prennent tout leur sens.