Depuis la « mise à l'écart », le 21 juin dernier par télécopie, de nombreux cadres de Sonatrach à travers le territoire national, l'affaire semble prendre des proportions surréalistes. Une affaire qui commence à prendre les relents d'un véritable complot international ? En effet, tout laisse croire que les déclarations du samedi 25 juin du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, demandant à la presse de « ne pas aider à gérer cette polémique qui ne sera pas dans l'intérêt du pays » est un autre élément qui conforte cette thèse de « groupes internationaux qui se livrent une lutte féroce pour accaparer le marché de la pièce de rechange des différentes plateformes pétrolières du pays ». Cela dit, après les directeurs de complexe, les divisionnaires et les chefs de département, c'est au tour d'anciens cadres retraités, tous grades confondus, d'être entendus dans le cadre de cette affaire, selon une source proche du dossier. D'ailleurs, l'on saura à ce propos que de nombreux cadres, touchés par cette mesure, ont fait l'objet d'une convocation, mardi dernier, à Alger et auraient été reçus par Mohamed Meziane, Pdg de Sonatrach. La justice a, selon notre source, était saisie et les mis en cause « devraient répondre des chefs d'accusation de non-respect de la procédure de passation de marchés et de corruption passive ». La genèse de l'affaire, selon notre source, a pour point de départ « la soumission d'une société internationale (STI) pour l'obtention d'un marché de garnitures mécaniques (joints d'étanchéité) au sein d'un des complexes de la zone industrielle d'Arzew. Malgré son offre très avantageuse, selon le principe de l'offre la moins-disante initiée, depuis 2001, par le bulletin d'appels d'offres du secteur de l'énergie et des mines (BAOSEM), le concurrent en question n'aurait pas pu décrocher le marché ». C'est suite à cela qu'une plainte aurait été déposée auprès de l'actuel ministre de l'Energie et des Mines, toujours selon notre interlocuteur, qui aurait déclenché une commission d'audit interne. C'est ainsi que deux années durant, des auditions et des enquêtes ont touché les directeurs de complexe, les chefs de département approvisionnements, moyens généraux, finances et les membres des commissions de marchés. Il y aurait même, selon notre interlocuteur, deux inspecteurs qui auraient effectué une mission à l'étranger, notamment chez un des concurrents étrangers, en l'occurrence John Crane, « pour enquêter sur place et réunir des preuves tangibles sur les dépassements ». Des perquisitions auraient été effectuées à Arzew, Skikda et Alger et des documents comptables, des disques durs de micro-ordinateurs, des relevés bancaires, enfin tout ce qui peut constituer une preuve, ont été réunis et mis sous scellés. « Des relevés bancaires des comptes personnels des cadres mis en cause et des bordereaux de virements auraient été réunis », selon notre interlocuteur qui avance, quant à lui, « une ristourne, en devise forte, de 15% pour avoir l'exclusivité du marché que trois groupes internationaux, dont un groupe espagnol, se disputent ? » D'ailleurs, à ce propos, notre source évalue le préjudice causé à Sonatrach, donc au Trésor public, sur la période allant de 1995 à 2005, entre 20 et 40 millions d'euros. Pour lui, la « malversation » ou « l'astuce », c'est selon, se situe justement au niveau « de la qualité des joints d'étanchéité des pompes ». « Un écart énorme entre les prix pratiqués (que notre interlocuteur situe à un niveau exponentiel par rapport à ceux pratiqués réellement sur le marché) et la qualité, donc la fiabilité et la résistance, des pièces (joints) achetés ? » Si cette constatation, ou cet aveu, là aussi c'est selon les approches, venait à être confirmée et prouvée, elle nous renverrait en toute légitimité à faire une corrélation directe avec les nombreuses explosions survenues dans les zones industrielles d'Arzew et de Skikda, où faut-il le rappeler, il y a eu mort d'homme et où justement « des rapports d'expertise ont mis en cause directement la qualité des joints d'étanchéité de certaines installations ». En effet, et pour ne citer que l'incident survenu le 19 octobre 2003 au complexe GL-2/Z au cœur même de la zone industrielle d'Arzew car la liste des explosions, où on a joué avec la vie des habitants de cette ville, est vraiment longue, selon le rapport de la commission d'enquête, « l'incident est dû à une fuite de gaz dans une bride de la section traitement. Par ricochet, et sous l'impulsion de ce dernier, une fuite de gaz s'est produite au niveau du train 300 ». Cet incendie a nécessité le déclenchement du protocole d'attaque mutuelle (PAM) qui a duré plus de six heures : de 1h 10 à 7h 10, pour circonscrire le feu. Finalement, il a été conclu que la ville d'Arzew a frôlé la catastrophe suite à « un vice caché du joint de la bride du train 300 ».