Selon les estimations du Centre national de l'informatique et des statistiques douanières (CNIS), l'Algérie aurait importé durant l'année 2004 un peu plus de 18 milliards de dollars de biens de consommation, matières premières et équipements divers. Si on y ajoute les 1,5 milliard de dollars de frais financiers et autres dépenses de services liés à ces importations comptabilisés par des administrations autres que les Douanes, la facture d'importation approcherait allégrement les 20 milliards de dollars. Il s'agit là d'un record absolu jamais atteint même au temps du programme antipénurie (PAP) du début des années 1980. Favorisées par l'embellie financière induite par la hausse des cours pétroliers et la demande induite par le plan de soutien à la relance économique, les dépenses d'importation ont pris une envolée fulgurante qui, dans un pays qui exporte peu de choses en dehors des hydrocarbures, saigne avant tout le Trésor public qui continue, en tant que plus gros investisseur du pays, à faire face à l'essentiel des dépenses d'importation. En l'absence d'entreprises exportatrices capables de ramener au pays davantage de ressources en devises qu'elles n'ont utilisé pour le fonctionnement de leurs procès de production, l'Algérie ne fait en réalité que restituer aux pays qui achètent ses hydrocarbures et qui se trouvent être ses principaux fournisseurs (France, Italie, Espagne, etc.), les devises qu'elle avait engrangées à la faveur des approvisionnements en pétrole et gaz qu'elles leur avait assurés. Le principe d'échange inégal qui caractérise aujourd'hui encore le commerce entre pays industrialisés et pays en voie de développement se trouve ainsi confirmé en dépit des discours lénifiants des adeptes de la mondialisation qui considèrent qu'en matière de commerce extérieur, les pays partent à chance égale pour peu qu'ils mettent en œuvre les réformes structurelles nécessaires. Un préalable qu'il n'est évidemment pas facile de mettre en œuvre dans un pays comme le notre tant l'outil de production existant est en grande partie vieux (il date de plus de 30 ans pour l'essentiel du tissu industriel), déclassé ou en attente d'une hypothétique mise à niveau. L'économie nouvelle faite d'entreprises publiques et privées disposant d'équipements et d'un management susceptibles d'impulser une forte dynamique aux exportations éprouve beaucoup de difficultés à émerger tant les obstacles au développement des industries productives sont encore nombreux dans ce pays qui a résolument choisi d'encourager les entreprises qui importent plutôt que celles qui produisent pour exporter. Il est vrai qu'un certain nombre d'entreprises algériennes ont réussi à placer leurs produits sur les marchés extérieurs, mais elles sont encore trop nombreuses et pas assez performantes pour inverser les flux du commerce extérieur en faveur du pays (à peine 600 millions de dollars d'exportations en 2004). En l'absence de données fiables (le ministère du Commerce n'a pas jugé utile de le faire) sur les raisons de cette prodigieuse augmentation du coût des importations qui a affecté tous les postes de dépenses sans exception (6,4 milliards de dollars pour les biens de consommation, 7,2 milliards pour les biens d'équipements industriels, etc.), on est en droit de se poser des questions sur cette subite envolée des dépenses d'importation que ni l'inflation mondiale plutôt réduite ni encore moins la relative stabilité du dinar par rapport aux principales devises ne peuvent justifier. La hausse des dépenses d'importation serait, elle, due à un surcroît de marchandises et services achetés de l'étrangers ? Cela pourrait être le cas, mais sans pour autant servir les intérêts de notre économie. Il faut en effet savoir que l'écrasante majorité des produits importés, y compris ce qui est désigné sous le vocable de biens d'équipements industriels, sont en réalité des biens de consommation puisqu'il s'agit pour l'essentiel de véhicules de tourisme, de pièces de rechange et de divers inputs qui prouvent aujourd'hui encore la forte dépendance de nos unités industrielles vis-à-vis des économies étrangères. On peut également citer le cas des médicaments dont la facture d'importation dépasse allégrement le milliard de dollars, contre 7 millions de dollars en 2003, alors qu'une sérieuse dynamique de production nationale a été impulsée par certaines entreprises algériennes à l'instar de Saïdal, LAP et Biopharm qui ont injecté sur le marché domestique d'importantes quantités de médicaments façonnés en Algérie. A travers ces chiffres du commerce extérieur (hors hydrocarbures) qui semblent tourner exclusivement en faveur des économies occidentales, force est de constater qu'en l'absence d'une production nationale suffisante et variée à même de répondre aux besoins induits par le plan de soutien à la relance économique, ce sont surtout les entreprises étrangères qui en titrent le plus grand profit. Ce plan de relance que l'on destinait pourtant à nos entreprises est par la force des choses devenu un plan de relance en faveur des entreprises étrangères qui ont pu reconstituer, grâce à lui, leurs carnets de commandes. Ces chiffres posent également la lancinante question des exportations hors hydrocarbures qui ont rarement dépassé le milliard de dollars, hormis les années où on y a inclus les recettes tirées des ventes de licences d'exploitation de téléphonie mobile et quelques privatisations. L'Algérie semble se contenter des recettes d'hydrocarbures vulnérables aux fluctuations des prix et qui ne peuvent, dans le meilleur des cas (cette année par exemple), dépasser les 50 milliards de dollars, un chiffre d'affaires à la portée d'une simple filiale de multinationale. A titre d'exemple, la filiale All Digital du groupe sud-coréen Sumsung a réalisé, à elle seule, un chiffre d'affaires de 56 milliards de dollars en 2004. C'est combien il est urgent de redynamiser le secteur des exportations pour augmenter et diversifier nos sources d'alimentation en devises aujourd'hui entre les mains de la seule Sonatrach. En attendant que nos entreprises s'affirment sur les marchés extérieurs, il serait bien indiqué que les pouvoirs publics soutiennent dans leurs démarches des entreprises qui y sont déjà présentes et qui peuvent exporter encore plus pour peu que l'Etat lève un certain nombre d'obstacles généralement d'ordre administratif.