Situé à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Guelma, chef-lieu de daïra, Hammam Debagh (ex-Hammam Meskhoutine) a vécu, ces derniers jours, une panique extrême, le spectre de la fièvre typhoïde ayant longtemps plané sur sa population, précisément sur celle du quartier du 17 Octobre, d'environ 2500 habitants, avant que ne soit découvert le germe de la dysenterie amibienne. Tout a commencé lorsque le jeune Abdallah Debabi, 22 ans, a été évacué d'urgence, le 25 juin dernier, au service infectieux de l'hôpital Ibn Zoher de Guelma. Il développait divers symptômes : fièvre, fortes douleurs abdominales et diarrhée. Alors qu'il était en observation médicale, faisant l'objet d'un diagnostic minutieux, car une fièvre typhoïde a été soupçonnée, au soir du 29 juin, onze personnes présentant presque les mêmes symptômes commençaient à arriver aux urgences du centre de santé de cette agglomération, dont cinq seront transférés, le lendemain, vers l'hôpital Ibn Zoher. C'est la panique. Les services de la santé entameront une enquête épidémiologique dans presque toutes les maisons des personnes ayant été consultées au centre de santé, dont le nombre ne cessait d'augmenter. Ils prélèveront des échantillons d'« eau potable » pour des analyses. Les services de l'Epdemia ont dû arrêter l'alimentation en eau potable. Dès le début de cette épidémie non encore connue, le cas de Debabi mis à part, le directeur de la santé, qui est médecin épidémiologiste, et le médecin spécialiste en maladies infectieuses au niveau de l'hôpital ont soupçonné une gastro-entérite, précisément une dysenterie amibienne. Nous nous sommes rendus à trois reprises à ce pâté de maisons, un des plus vieux quartiers du village. La première fois, nous y sommes allés avec l'équipe de la santé. Les venelles présentent un aspect rebutant. Pas de trottoir dans la plupart d'entre elles. Bitumée par endroits, la chaussée est crevassée, les fuites dans les conduites d'AEP sont nombreuses et visibles, surtout au niveau des chambres de vannes, où se sont formés des marécages avec des eaux stagnantes depuis des lustres, nous dit-on. La population était toujours en proie à une forte inquiétude. A ce moment-là, l'épidémie, non encore connue, terrassait bien des gens, et chacun semblait se demander avec la peur au ventre : « Quand est-ce que ce sera mon tour ? » Mais on avait alerté la population sur le fait de ne pas boire l'eau du robinet ou celle qu'on garde dans des bidons. Et les habitants d'aller en chercher ailleurs, ce qui n'est pas évident pour beaucoup d'entre eux. Les plus fortunés pouvaient se permettre de l'eau minérale. Ouverture d'une information judiciaire Beaucoup de gens continuaient de se rendre, aux premières douleurs, aux urgences du centre de santé. Suite à l'enquête menée par l'équipe de la santé, plusieurs cas présentant les mêmes symptômes ont été décelés, et ceux jugés graves étaient orientés vers l'hôpital Ibn Zoher. Le 2 juillet, seize personnes sont hospitalisées. Le résultat des analyses de parasitologie des selles effectuées au laboratoire de bactériologie de l'hôpital Ibn Zoher confirmera le premier diagnostic : la dysenterie amibienne. Au total, le nombre des personnes qui avaient été hospitalisées est de 23, selon le directeur de la santé, précisant que c'est un chiffre provisoire, en attendant le bilan final, sur un total de 70 personnes consultées ; les autres avaient suivi le traitement en ambulatoire. Le 8 juillet, selon toujours la direction de la santé, la dysenterie étant en principe circonscrite, on ne comptait qu'une femme à l'hôpital. Nous avons fait un tour à Hammam Debagh, le 6 juillet. Les services de l'Epdemia, comme il a été convenu lors d'une réunion les ayant regroupés avec les autorités locales et les services de la santé, ont procédé au nettoyage des conduites de l'AEP en augmentant le débit de l'eau et procédé au curage des chambres de vannes, qui étaient pleines d'eaux sales et troubles. Le 7 juillet, une fois le quartier approvisionné en eau potable, les fuites au niveau des conduites étaient innombrables, et même au niveau des vannes, dont les chambres se sont vite remplies. Nous avons même trouvé à côté d'une vanne qui fuit dans le quartier des Vergers, à quelques pas de celui du 17 Octobre, un trou rempli d'eau devant servir à confectionner du béton. Une chambre de vanne grouillait de vers et autres larves d'insectes ! Dépités au plus haut point, certains habitants s'en prennent aux services des eaux. « On veut nous faire croire que le diagnostic serait faux et que la cause de notre maladie serait le fait que nous ayons consommé des gâteaux. Incroyable ! » Déjà, selon certains, l'eau potable était douteuse bien avant cette épidémie, puisque une odeur nauséabonde - tous le savaient - s'en dégageait. Un habitant nous dira que cinq personnes de sa famille ont été évacuées vers l'hôpital et que, heureusement, elles se portent bien. « Si la cause était la fièvre typhoïde, j'aurais porté la chose devant la justice », ajoutera-t-il. Cependant, nous apprenons qu'une information judiciaire a été ouverte et que les personnes ayant été hospitalisées sont auditionnées tour à tour au niveau des services de la police. Certains habitants nous diront que les conduites avaient été posées dans les années 1980 dans une anarchie totale. Avant l'alimentation à partir du barrage de Bouhamdane, ayant eu lieu au milieu des années 1990, le village était approvisionné directement en eaux thermales, qui refroidissent dans les conduites. Selon certains d'entre eux, les conduites principales sont par endroits d'un diamètre plus réduit que celles secondaires, ce qui n'est pas normal. En plus de cela, la pression de l'eau du barrage est plus forte, ce qui explique les fuites et les eaux stagnantes dans les chambres de vannes. Aussi, pour beaucoup, la rénovation du réseau d'AEP et des vannes devient nécessaire et obligatoire. Rétabli, le jeune Abdallah Debabi, seul cas de fièvre typhoïde, est sorti de l'hôpital le 3 juillet.