Je viens de lire les mémoires de Gabriel Garcia Marquez. Je m'y attendais. La vie de ce grand écrivain frise « l'imaginaire débridé » de ses romans. Je me suis rappelé mon premier contact avec ce romancier des « causes justes ». C'était en 1983. J'étais directeur des éditions de l'Entreprise nationale du livre (dissoute en 1998). Tous les livres de G. G. Marquez étaient traduits en arabe, sauf un Une odeur de guyage. Je voulais qu'un Algérien traduise ce beau livre d'entretiens entre G. G. Marquez et son ami Mendoza. Le traducteur trouvé, Abdallah Hammadi, écrivain, chercheur et docteur ès lettres de l'université de Madrid, resta le problème de l'achat des droits de traduction. Comment contacter G. G. Marquez, ce « trotter du monde » ? Soudain, je me suis rappelé mon ami Francisco Vicenti, Son Excellence l'ambassadeur d'Argentine en Algérie de l'époque. Il était l'un des plus grands lecteurs de la littérature latino-américaine en général, et de G. G. Marquez en particulier. J'ai tout de suite pris le combiné et appelé à son bureau. Il n'avait pas les coordonnées de notre grand écrivain, mais il m'a promis de faire de son mieux pour les avoir. J'étais confiant, car je savais que Vicenti connaissait, personnellement, beaucoup d'écrivains latino-américains, en plus de sa fonction d'ambassadeur de la République d'Argentine en Algérie. Dix, quinze jours passèrent. De temps en temps, mon ami Vicenti me rappelait au téléphone pour me donner de l'espoir. Le seizième jour à 9 h (c'était un mardi, jamais je ne pourrai oublier ce jour !), le téléphone de mon bureau sonna. J'ai décroché. C'était la voix joyeuse de Vicenti. Il m'annonça qu'il a eu G. G. Marquez au téléphone (à Mexico), qu'il lui a déjà annoncé le projet de traduction et que notre grand écrivain serait très content si je l'appellais à son domicile à Mexico. Il me dicta, sur-le-champ, le numéro de téléphone de G. G. Marquez. J'ai remercié vivement mon ami Vicenti et appelé tout de suite le n°16 des PTT d'Alger (avant l'avènement du numérique, on était obligé de passer par les PTT). Ma montre égrenait 10h. Vu le décalage horaire, la période de sieste (les Latino-Américains apprécient et pratiquent la sieste) devrait être terminée. Après une longue heure d'attente, une voix féminine des PTT d'Alger m'annonça : « Vous avez Mexico au bout du fil. » « Allô, monsieur Gabriel Garcia Marquez ? », « Lui-même. »(1) J'étais ému, fou de joie. Les paroles me fuyaient. Néanmoins, j'ai pu dire, après quelques longues secondes, au grand écrivain que j'étais un fervent lecteur de ses romans et nouvelles que j'ai lus dans des traductions française et arabe.(A suivre) 1 G. G. Marquez connaît bien le français. Il a longtemps vécu à Paris (presque 15 ans).