Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, rencontrera aujourd'hui à la Maison-Blanche le président américain, George Bush, pour la deuxième fois en l'espace de six mois, un fait plutôt rare qui mérite d'être relevé. Mais dans le contexte international actuel, cela ne veut pas dire grand-chose, cette réunion pouvant être considérée comme un geste des Etats-Unis envers les opinions arabes préoccupées par la politique américaine en Irak. Dans le même temps, relèvera-t-on, les dirigeants palestiniens ont préparé ce sommet à leur manière, à travers des signes qui se veulent forts. Tout d'abord, l'Autorité palestinienne entend mettre de l'ordre dans les territoires sous son contrôle. Elle vient d'apporter son aide au Liban. Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, et Mahmoud Abbas se sont dit mardi inquiets de « l'entrée illégale d'armement et de renforts à des formations palestiniennes au Liban », dans un communiqué commun publié à l'issue de leurs entretiens à Paris. Les deux dirigeants ont souligné « la nécessité de respecter la souveraineté et les lois libanaises de la part de tous les Palestiniens qui sont des hôtes du Liban », indique ce communiqué. M. Abbas a réitéré au Premier ministre libanais le soutien de l'Autorité palestinienne aux récentes mesures libanaises visant à interdire la présence armée des organisations palestiniennes dites de l'opposition hors des camps de réfugiés. Il a également soutenu le dialogue engagé en vue de « trouver des solutions aux divers dossiers de la présence palestinienne, y compris les aspects sociaux, juridiques et humanitaire », selon le texte. Autant parler de questions sensibles que les Palestiniens n'hésitent pas à discuter. désarmer les groupes palestiniens Comme ils refusent de garder sous silence certaines autres, ou encore accepter les exigences israéliennes, comme à propos du mouvement Hamas, ou de la rencontre finalement reportée par les Palestiniens, entre M. Abbas et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon. Et en effectuant un tel déplacement, ils refusent bien entendu que cela serve à autre chose. George W. Bush aimerait rassurer Israël sur les problèmes de sécurité, tout en affichant sa volonté pour la création d'un Etat palestinien indépendant aux contours maintenus flous de manière délibérée. La rencontre, la première depuis le retrait israélien de la bande de Ghaza en septembre, intervient dans un contexte tendu par la décision d'Israël lundi de geler tous les contacts avec l'Autorité palestinienne au lendemain d'une attaque qui a causé la mort de trois colons israéliens. La Maison-Blanche a, comme c'est souvent la règle, musclé son message à l'égard des Palestiniens, insistant sur le besoin d'un renforcement de la sécurité. Tout le monde - Américains et Israéliens en premier - sait que les institutions palestiniennes ne sont pas en mesure de l'offrir pour la simple raison qu'Israël a détruit systématiquement ces structures. Malgré cela, ils sont une nouvelle fois pressés de donner ce qu'ils ne peuvent même pas assurer aux leurs. Les Palestiniens « peuvent encore faire plus pour mettre un terme à la violence », a ainsi déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, mardi à la presse. « Pour qu'un Etat démocratique émerge (en Palestine), on doit être sûr que la loi et l'ordre existent et que les organisations terroristes sont démantelées », a-t-il ajouté, en soulignant néanmoins que Washington « continue » de soutenir la direction palestinienne qui essaie « d'empêcher les attaques terroristes ». Tous les théoriciens font valoir qu'une démocratie nécessite pour sa préservation un Etat fort jusque et y compris dans ses moyens de répression. Jusque-là, et bien que de manière qui ne laisse entrevoir aucun engagement concret de sa part, le président américain a également multiplié ses messages de soutien au nouveau leader palestinien, alors qu'il n'avait jamais reçu son prédécesseur Yasser Arafat. Le 5 octobre, en prélude à la réunion de jeudi, M. Bush a rencontré de manière tout à fait inhabituelle, et à son initiative, le chef de cabinet de M. Abbas, Rafiq Al Husseini, pour préparer leur prochaine rencontre, a-t-on indiqué de sources palestiniennes. Selon M. Al Husseini, le président Bush lui a indiqué qu'il ne voulait pas d'un Etat palestinien qui ressemble à un « gruyère ». La Maison-Blanche n'a pas confirmé officiellement ces propos. « Il a dit qu'il ne voulait pas d'un Etat qui ressemble à du gruyère, c'était son mot. Et pourtant c'est bien du gruyère que nous avons pour l'instant », a déclaré M. Al Husseini dans un discours devant le centre Palestine, centre d'études et de recherche sur la Palestine, à Washington le 5 octobre. Par ailleurs, mardi, M. Bush a rencontré James Wolfensohn, l'envoyé spécial à Ghaza du Quartette (Union européenne, USA, Russie, ONU), groupe informel assurant le suivi du plan de paix baptisé « feuille de route ». L'ancien président de la Banque mondiale est chargé de superviser l'aide internationale à l'Autorité palestinienne dans le cadre du désengagement de Ghaza par Israël. « Ils ont discuté de la situation à Ghaza. M. Wolfensohn a informé le président de sa visite la plus récente dans la région et lui a parlé des sujets à traiter, parmi lesquels le passage de Rafah (sud) et d'autres sujets liés au développement de l'économie palestinienne », a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, à la presse mardi. « Nous restons tous engagés sur cette vision de deux Etats, aussi la rencontre de ce matin représentait une chance de faire le point sur les progrès réalisés sur le terrain avec l'envoyé spécial du Quartette », a-t-il ajouté. Inévitablement se demandera-t-on, qu'en sera-t-il de la rencontre Bush - Abbas ?