Les Etats-Unis ont mis fin, hier, à leur présence militaire en Irak. Pour être plus précis, il s'agit des troupes combattantes, car cinquante mille hommes devront y demeurer jusqu'à juillet 2011. Officiellement, il s'agira pour elle de conseiller l'armée irakienne et de l'aider si elle en exprimait le besoin. Ce qui semble plus que probable, car, selon ses chefs, la nouvelle armée irakienne n'est pas encore en mesure de prendre la relève de l'armée américaine. Il lui faudra même pour cela plusieurs années. Le chef de l'état-major irakien, le général Babaker Zebari, qui n'arrive pas à stabiliser ses effectifs en raison des attentats qui ciblent l'armée, a effectivement jugé, le 11 août dernier, prématuré le retrait américain, exhortant les Etats-Unis à laisser des troupes jusqu'à ce que l'armée soit complètement prête en 2020. C'est-à-dire plus qu'il n'en faut pour sa mise sur pied. Il n'en a pas donné les raisons, et nul doute que parmi elles, l'élément politique sera dominant. Un débat étouffé par les officiels irakiens qui affirment le contraire, à l'image du Premier ministre irakien sortant Nouri Al Maliki qui disait, hier, que les forces de son pays sont capables d'assurer la sécurité après avoir souligné que l'Irak était désormais «un pays souverain et indépendant». Sans dire comment cette mission sera assurée dans un pays privé de gouvernement près de six mois après les élections législatives, sans vainqueur connu jusque-là, et dans un contexte marqué par un regain de violence. Ce qui est important pour l'Irak également frappé par de lourdes divisions qui ont conduit à ce que les spécialistes appellent des guerres plurielles, opposant ses diverses communautés, et même des groupes au sein d'une même communauté. A vrai dire, l'Irak connaît les périodes les plus sombres de son histoire, avec la violence interconfessionnelle et le nettoyage ethnique qui ont non seulement mis fin à l'hégémonie d'une minorité, mais dynamité sa mosaïque. On se rend compte que rien n'est simple dans ce pays, jusqu'à l'exercice du pouvoir qui doit tenir compte de paramètres complexes. Des questions d'une extrême sensibilité que l'on dit pourtant encadrées par le caractère fédéral introduit par la Constitution de 2005 peuvent devenir autant d'objets de discorde ou de malentendus, à l'image de la ville de Kirkouk qui s'interroge sur son devenir. Comment dans ce cas parler d'armée nationale si celle-ci ne peut pas exercer son autorité et détenir le monopole de la force, dans tout le pays en raison de la présence de milices, ceci ajouté aux opposants armés contre les forces étrangères ? Sur cette question de la sécurité, les officiels américains se sont montrés d'une extrême prudence en déclarant que le retrait engagé depuis quelques jours ne signifie pas la fin de la guerre. C'est cela la réalité irakienne.