Le président irakien estime le rapport «injuste» et porte atteinte à la «souveraineté» de l'Irak. Cinq jours après que le rapport du groupe d'études sur l'Irak ait été rendu public, le président irakien, Jalal Talabani, a réagi en rejetant «l'ensemble du rapport», au moment où de nouveaux attentats ont fait une vingtaine de morts, hier, en Irak. Mettant à profit des discussions improvisées avec des journalistes, le président irakien, le Kurde Jalal Talalbani a, globalement, rejeté les recommandations du rapport Baker-Hamilton, rendu public, mercredi dernier. Le président Talabani a, ainsi, estimé que le rapport «porte atteinte à la souveraineté» de l'Irak, indiquant que «le rapport Hamilton-Baker est injuste. Il contient des articles dangereux qui portent atteinte à la souveraineté de l'Irak et à sa Constitution. Je le rejette dans son ensemble». Le président Talabani estime, en effet, que nombre de points du rapport sont en porte-à-faux de la réalité qui est celle de l'Irak d'aujourd'hui, contestant, notamment, la recommandation d'impliquer d'anciens membres du Baas dans le processus politique en cours en Irak, assurant que l'appel à d'anciens membres du régime déchu «(...) s'inscrit contre la longue lutte que le peuple irakien a menée contre la dictature». M.Talabani a, également, critiqué la recommandation, contenue dans le rapport, d'une menace d'un retrait de l'aide américaine en cas de manque de progrès, estimant que «cela revient à traiter l'Irak comme une jeune colonie à qui on peut imposer des conditions, en niant le fait que nous sommes un pays souverain et respecté» Ce sentiment est partagé par l'ensemble des officiels irakiens qui se sont, jusqu'ici, exprimés qui, curieusement, font tous partie de la communauté kurde. Avant M.Talabani, le président du Kurdistan autonome irakien, Massoud Barzani, avait déjà, dès vendredi, rejeté le rapport Baker-Hamilton l'estimant «irréaliste et inapproprié». «Nous n'allons en aucun cas nous conformer à ce rapport» a ainsi affirmé M.Barzani qui conteste, également, un point du rapport ayant trait à l'application de l'article 140 de la Constitution, lequel prévoit un référendum sur le devenir de la région de Kirkouk, revendiquée par les Kurdes, où vivent Arabes et Turcomans. La commission Baker-Hamilton demande, à cet effet, de retarder l'organisation du référendum en considération de la situation actuelle de l'Irak. Pour Massoud Barzani, «tout délai aura de graves conséquences et ne sera pas accepté par le peuple du Kurdistan». Notons que le Kurdistan irakien est autonome depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991. Epargné par les violences qui ensanglantent quotidiennement l'Irak, doté de sa propre armée et de son drapeau, il présente, paradoxalement, de plus en plus les caractéristiques d'un Etat indépendant. Dans ce tir groupé kurde contre le rapport, notons aussi la déclaration du ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, également kurde, qui a exprimé samedi son «inquiétude». «Nous avons de sérieuses inquiétudes à propos de ce rapport», a déclaré le chef de la diplomatie irakienne dans un discours devant le «Dialogue de Manama», une conférence sur la sécurité dans le Golfe, organisée à Bahreïn par l'Institut international des études stratégiques (Iiss) de Londres. M.Zebari, relève le fait que le rapport préconise, notamment, une réduction par les Etats-Unis de leur soutien «politique, militaire et économique» à l'Irak «si le gouvernement irakien ne fait pas des progrès substantiels», particulièrement, dans le domaine de la sécurité. Admettant que «certaines forces de sécurité (irakiennes) devaient être plus efficaces», M.Zebari a, néanmoins, estimé que «le gouvernement irakien n'a pas besoin de menace ou de menace latente pour le faire. Nous savons que c'est notre travail». Autre curiosité, la non réaction, jusqu'à hier, de représentants de la communauté chiite, ni le Premier ministre Nouri Al-Maliki, ni le leader du puissant Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak (Csrii) Abdel Aziz Hakim, ni le grand ayatollah, Ali Sistani ne se sont encore exprimés, ni donné d'avis sur le rapport, aujourd'hui à tout le moins controversé, de la commission Baker-Hamilton. Les sunnites irakiens n'ont pas non plus réagi, officiellement, au rapport, mais l'un des leurs, le conseiller à la sécurité nationale, Mouaffak Al-Roubaï, a affirmé qu'il y avait «de bonnes idées» dans le rapport du groupe d'études sur l'Irak. M.Roubaï, présent à Manama, en même temps que M.Zebari, a estimé, pour sa part, que le rapport a mis en exergue «le changement de mission» des troupes américaines qui devaient passer «d'un rôle de combat à un rôle de soutien». Mais le conseiller à la Sécurité nationale n'en dira pas plus. De fait, les avis sur le rapport Baker-Hamilton sont partagés et ce qui retient l'attention est le fait que les officiels irakiens aient réagi en ordre dispersé, prenant plus en compte l'intérêt d'une région que celui national, d'une manière générale. Pendant ce temps, la violence ne se dément pas avec la mort d'une vingtaine de personnes tuées hier, dont cinq frères abattus dans leur domicile par des hommes armés, dans différents attentats en Irak.