Meddahi prend ses fonctions à la tête du ministère du Tourisme et des Métiers de l'artisanat    Sayoud prend ses fonctions à la tête du ministère des Transports    MSF "extrêmement préoccupée" par l'impact de l'agression sioniste contre la population libanaise    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 43.972 martyrs et 104.008 blessés    70e anniversaire de la glorieuse Révolution de libération: "Tahaggart...l'Epopée des sables" présenté jeudi à l'Opéra d'Alger    Semaine mondiale de l'entrepreneuriat : riches activités dans les universités de l'est du pays    Attaf prend ses fonctions de ministre d'Etat, ministre des AE, de la Communauté nationale à l'étranger et des Affaires africaines    Ouverture du 8e Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets avec la participation de près de 80 exposants    Olympiades arabes de mathématiques: l'Algérie décroche la 2e place    Arkab prend ses fonctions de ministre d'Etat, ministre de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au Champ d'honneur: regard rétrospectif sur le parcours militant de ce héros    Accidents de la circulation: 36 morts et 1387 blessés en une semaine    Cybercriminalité: signature d'un accord de coopération entre AFRIPOL et Kaspersky    L'Algérie a réalisé une croissance "robuste" au 1er semestre 2024    Les Verts terminent leur mission en beauté    Relance du projet de la mosquée pôle    Le Président de la République opère un remaniement ministériel    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Quatre membres d'une même famille sauvés de l'asphyxie    Des intrusions quasi quotidiennes de sangliers affamés dans les zones urbaines    Un millier d'hectares à emblaver dans la commune de N'goussa    Le Président Tebboune explique sa vision stratégique    Manifestation massive à Chicago pour appeler à l'interdiction des exportations d'armes vers l'entité sioniste    Porteur d'émotion ou miroir d'état d'âme    Un maître de la céramique algérienne qui redéfinit l'art et la tradition    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la longue perche de la francophonie    27e édition du SILA: plus de 4 millions de visiteurs    L'engagement de l'Algérie à faire face aux défis environnementaux réaffirmé    Des milliers de personnes manifestent à Madrid pour réclamer l'autodétermination du peuple sahraoui    La vice-Première ministre de Belgique appelle à des sanctions de l'UE contre l'entité sioniste    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'USB piégée à domicile, l'USMA rejoint le MCA en tête    Boxe : Mike Tyson, 58 ans, battu sur décision des juges par le YouTuber Jake Paul    Foot/ CAN-2025 (Qualifications/ Gr.E - 6e et dernière journée) : l'Algérie domine le Libéria (5-1)    Judo: le Collège Technique national les 22-23 novembre à Oran    CAN-2025 Algérie-Libéria : les "Verts" décidés à conclure en beauté    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'allumeur de brasier
Chronique de Ali El Kenz : les autres articles
Publié dans El Watan le 19 - 09 - 2010

Mohammed Arkoun, passeur entre les cultures, pionnier d'une islamologie contemporaine critique et de lectures nouvelles de l'Islam a tiré sa révérence dans la nuit du 14 au 15 septembre à Paris.
Un personnage-clé d'une conscience islamique contemporaine a quitté la scène. Avec lui, une voix importante s'éteint. Une voix qui invitait ses interlocuteurs de toutes confessions à changer de perspective, les confrontant avec leur propre impensé, avec le domaine de l'ombre, leur posant des questions tues depuis longtemps.
Mohammed Arkoun était né en février 1928 à Taourirt Mimoun, en Grande Kabylie, dans une modeste famille. Il apprit très jeune et douloureusement, qu'en tant que Berbère dans une Algérie colonisée, il était marginalisé de deux manières puisqu´il ne parlait - dans un premier temps -, ni la langue du colonisateur ni celle du Coran. Grâce au soutien d´un oncle, il put faire ses études secondaires en Oranie, puis poursuivre des études de littérature arabe à l´université d´Alger.
Elles furent complétées par celle du droit, de la philosophie et de la géographie. Agrégé en langue et littérature arabes à la Sorbonne, il consacrera sa thèse à Miskawayh, pour démontrer l'existence d'un humanisme arabe jusque-là nié par l´Occident. Ainsi et après avoir étudié la période classique, il concentra ses recherches à l'Islam contemporain. Professeur d'histoire des idées arabes à Paris Vincennes, il sera nommé, en 1980, directeur du département d'arabe et d'histoire des idées islamiques à Sorbonne Nouvelle. Dans le même temps, il dirigea la revue Arabica, dont il élargit le champ et la notoriété. Nommé professeur émérite en 1993, il poursuivit avec dynamisme ses enseignements en tant que professeur invité dans les universités européennes et américaines. Il parcourut également d´autres régions du monde, allant jusqu´en Indonésie pour y animer des conférences très attendues. Parfait polyglotte, il assurait ses conférences indifféremment en anglais, en arabe ou en français. A relever également son engagement pour l'Institut des études ismaïliennes de Londres en tant qu'enseignant et membre du conseil de surveillance.
Mohammed Arkoun dont l´œuvre a été distinguée par quantité de Prix, aspirait à repenser l'Islam en tant que système culturel et religieux. Cette critique de la raison islamique s'effectue, de son point de vue, par des changements radicaux de perspective. Il exigeait également la pluralité du sens, même si cela entraîne la fin de clarté et de l´unité. Pour lui, les changements de perspective ne pouvaient être introduits qu´en appliquant à l'islamologie les sciences sociales et humaines de même que leurs méthodes qu´il complétait et élargissait par ses propres concepts.
Avec cette approche, il quitte le ghetto méthodologique de l'islamologie et développe des contre-stratégies. Ce qui ne rencontre pas forcément l´adhésion des islamologues «traditionnels». Il s'agit, par exemple, de son exigence d'une islamologie appliquée ou du concept théorique du fait islamique et coranique et celui des sociétés du Livre (livre de l'impensé et de l'impensable. Cela a eu une influence considérable sur son approche du Coran et de ses lectures. Il a vite appliqué l'analyse de l'imaginaire développée par l'Ecole des Annales à des sociétés musulmanes et à la pensée islamique.
La pensée de Arkoun et les concepts créés et travaillés pendant sa vie de chercheur sont complexes. On peut les décrire à l'aide de la métaphore d'un rhizome ou du motif des étoiles infinies des faïences maures : un enchevêtrement d'aspects bifurquant, dont on peut difficilement cerner l'origine et qui se ramifient davantage tout en créant de nouvelles conjonctions. C'est surtout le rhizome qui correspond au changement de paradigme qui était considéré comme urgent par Arkoun : une approche globale remplace le regard dualiste, la pluralité remplace les éléments détachés. Le tout s'accomplit seulement dans une pluralité de sens et en plusieurs couches.
Mohammed Arkoun n'était pas seulement un intellectuel perspicace et un humaniste de profonde conviction. Doté d´un sens de l'humour très subtil, il était aussi un conférencier passionné et charismatique et un enseignant engagé. Il se sentait «proche de tout ce qui était capable d'ouvrir des nouvelles routes à l'intelligence» et se considérait comme «un intellectuel révolté». Le monde musulman et occidental ont perdu en cet éclaireur non seulement un homme de principes, mais aussi une irremplaçable voix qui leur traçait le chemin à parcourir pour se comprendre et se compléter au lieu de s´affronter. Homme de dialogue aux idées fécondes, son action, sa pensée, ne furent malheureusement pas toujours appréciées à leur juste dimension dans le monde musulman et particulièrement dans son propre pays, ce qu´il regrettait secrètement. Il faudra également encore beaucoup de temps, y compris aux islamologues et orientalistes occidentaux pour prendre la mesure de son apport et cesser de voir en lui l´iconoclaste qui entreprit de remettre en cause leurs visions étroites et leur monopole. Il me confiait un jour : «Je suis un allumeur de brasiers» et c´est bien vrai que l´islamologie s´éclairera longtemps encore des feux de la réflexion qu´il aura, ici et là, nourrie de sa fertile pensée.
Dr U. G. : Islamologue allemande, le Dr Ursula Gunther est spécialiste de la pensée de Mohammed Arkoun. Elle a consacré de nombreuses recherches à son œuvre.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.