Le moudjahid Abdelkrim Hassani, décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l'hôpital de Aïn Naâdja, à l'âge de 78 ans, a été enterré, hier, au cimetière El Alia en présence de personnalités historiques, des membres du gouvernement ainsi que beaucoup de Malgaches. Ancien officier de l'ALN, le défunt faisait partie de fameux ministère de l'Armement et des liaisons générales (MALG), où il s'occupait de la formation des opérations radio. Après un passage à la tête de la Fonction publique en 1976 – succédant à Abderrahmane Kiouane, le beau-frère de Larbi Ben M'hidi –, il s'est consacré aux affaires pour devenir, durant les années 1990, président de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA). Abdelkrim Hassani, de son nom de guerre Si El Ghaouti, malgré un retrait de la vie politique, se permettait, à intervalles réguliers, des incursions dans les débats politiques et historiques. Lors de l'élection présidentielle de 1999, il s'était rangé du côté du candidat dit du «consensus», Abdelaziz Bouteflika, avant de se retourner contre lui, trois ans après. Il était allé jusqu'à déclarer, le 30 septembre 2002, lors d'une conférence de presse au CIP (Alger) : «Bouteflika a échoué dans son mandat. Il est temps de mettre fin à ce régime.» L'ancien Malgache ne mâchait pas ses mots en parlant des maux qui rongent le pays : «L'Algérie dont on rêvait à l'indépendance n'est pas celle d'aujourd'hui et le régime actuel n'a aucune vision ni aucune stratégie sur le triple plan politique, économique et social», avait-il tonné. Ce jour-là, il annonçait son intention de briguer un mandat présidentiel, vainement. Il n'avait pas pu rassembler les signatures pouvant lui permettre de se présenter à la candidature 2004. Mais si sur le plan politique, son étoile n'a pas trop brillé, c'est au chapitre de l'histoire et de la mémoire que Abdelkrim Hassani a fait parler de lui. Il a souvent apporté son témoignage : sur l'assassinat de Abane Ramdane, la séquestration des restes des colonels Amirouche et Si El Houas. Mais l'événement qui l'avait plongé dans une violente polémique reste «l'affaire Bigeard». En décembre 2001, le défunt, accompagné de sa femme Drifa, sœur du dirigeant historique durant la guerre de Libération Larbi Ben M'hidi, rencontre l'ancien chef du 3e régiment de parachutistes coloniaux, Marcel Bigeard, à Paris. Après une longue discussion entre le bourreau et la famille de la victime, Hassani et sa femme prirent la décision d'inviter Bigeard à Alger pour se recueillir sur la tombe du héros de la Bataille d'Alger. L'initiative avait provoqué une levée de boucliers chez les anciens compagnons de Ben M'hidi. Louisette Ighilahriz était en première ligne pour s'opposer farouchement à la venue de Bigeard. Pour elle, «Hassani a commis une erreur en se laissant embourber dans cette affaire». Celle-ci ne garde aucune rancune de ce malheureux épisode : «Qui de nous n'a pas commis d'erreur ?» «Il y a dix jours j'ai croisé Abdelkrim, très affaibli, et j'ai ressenti un malaise. Il m'avait dit : quand on a un bilan positif, on n'a pas à avoir peur de la mort. Ce sont les derniers mots que je garde de ce grand combattant», a témoigné Louisette Ighilahriz.