Même si le retour de l'Office national de commercialisation des produits vitivinicoles dans le Témouchentois a permis de briser la concurrence entre privés, les professionnels lui reprochent beaucoup de choses : manque de stratégie, d'investissements dans la région, en particulier pour la modernisation de sa cave, et mobilisation de moyens appropriés pour réussir les vendanges… A l'heure des vendanges tardives, El Watan Week-end donne la parole aux deux camps. L'Alicante, le Grenache et le Carignan payés à 3250 DA le quintal, le Cinsault à 2950 DA et le Merseguerra à 1950 DA. C'est très loin des 4200 DA qu'avaient exagérément souhaités les viticulteurs. Cependant, certains, dont le rendement à l'hectare est conséquent, ont estimé que les prix obtenus ne sont pas à dédaigner. Sur le terrain, l'Office, en minorité face à ses concurrents, s'est battu avec l'énergie du désespoir pour réceptionner le maximum des vendanges à son profit. La compétition entre lui et les transformateurs privés a été très vive, particulièrement avec l'un d'entre eux qui avait loué toutes les caves opérationnelles de la coopérative viticole – quitte à garder certaines fermées faute de pouvoir les utiliser – de façon à empêcher l'Office de reprendre pied localement. Ainsi, sur son unique cave de Kéroulis, d'une capacité de transformation de 20 000 q, l'ONCV a réceptionné le double, évacuant le surplus aussitôt vinifié vers ses caves de Mostaganem et Tlemcen. Il a même organisé des centres de collecte du raisin dont une partie, 30 000 q, a été dirigée hors wilaya pour être vinifiée. Ainsi, selon la Chambre de l'agriculture, l'Office a réceptionné 70 000 q sur les 200 000 environ vinifiés à travers la wilaya. Après sa désertion de Témouchent en 2006, ce dont a profité opportunément la concurrence pour l'en éliminer, l'effort de l'ONCV de se réimplanter en ce principal centre viticole du pays est jugé bénéfique. Il a ainsi desserré l'étau dans lequel se sont piégés les viticulteurs en croyant que la démonopolisation au profit du tout-privé était la solution à leurs difficultés.Néanmoins, cet effort de l'entreprise publique n'a pas été sans soulever des critiques quant au sort fait aux vendanges, des critiques tout aussi valables pour certains des privés ayant engrangé de grosses quantités de raisin. Elles sont cependant plus graves pour l'ONCV qui se vante de n'être pas animé par des stratégies spéculatives. Bactéries indésirables On lui reproche, dans sa hâte à livrer bataille, les longues chaînes des tracteurs livrant leurs vendanges et, de ce fait, la dommageable exposition de ces dernières à la chaleur durant de longues heures avant leur pesage et leur déversement dans les fouloirs. De même, il est reproché à l'Office le contact prolongé du raisin avec le métal des bennes de tracteurs et leur transport sur de longues distances après leur transbordement des bennes de tracteurs vers celui de camions 10 tonnes. Ce traitement est, pour les spécialistes, cause de l'oxydation du raisin, ce qui engendre l'acidité volatile avec l'intervention de bactéries indésirables, qui se traduit par de désagréables surprises à la consommation de certaines bouteilles de l'ONCV. Ainsi, il lui est reproché de n'avoir pas loué de camions frigorifiques ou, mieux encore, de s'équiper d'égrappoirs-fouloirs, un équipement qui, sur le lieu de la vendange ou de la livraison, égrappe et foule le raisin, le transport ne se faisant alors que pour les moûts récupérés. A cet égard, certains professionnels doutent de l'engagement de l'ONCV, estimant qu'il n'est plus cette entreprise qui avait osé braver l'intégrisme armé lorsque, au début de la décennie noire, celui-ci avait menacé de «tailler» les têtes de ceux qui oseraient tailler la vigne de cuve. «Hallalisation» Et alors que l'Etat était chancelant, c'est grâce au soutien consenti par l'ONCV sur ses fonds propres à la filière, et grâce à l'engagement de ses cadres, que la viniculture algérienne n'a pas disparu. Ces années, le Maroc et la Tunisie investissaient dans cette filière et ont depuis détrôné l'Algérie qui fut premier producteur mondial jusque dans les années 1970. Il est vrai que l'ONCV ne dispose plus de la même autonomie d'action, du fait de l'enchevêtrement des pouvoirs décisionnels à un plus haut niveau – ministère et SGP (Société de gestion et de participation de l'Etat). Rigorisme et mysticisme triomphants obligent, le ministère de l'Agriculture se refuse à décider d'une politique spécifique au profit de la viniculture, celle engagée ayant été jusque-là au profit de l'amont, la plantation du vignoble, mais pas au profit de l'aval. Résultat : tout ce qui a été planté à coup de milliards de dinars a été progressivement arraché. Ainsi, la replantation avait fait passer à plus de 20 000 ha un vignoble qui était tombé au 1/10e de ce qu'il était à l'Indépendance (6000 contre 60 000). Et de perte sèche en perte sèche, il a dégringolé cette année à 8795 ha. Mais pas seulement, depuis près d'une dizaine d'années, aucun ministre n'ose se frotter à la viniculture par une visite sur une parcelle. Même la terminologie du ministère de l'Agriculture a changé. Ainsi, il n'est plus question de «raisin de cuve» mais de «transformation». Pire, l'absence de visibilité, ajoutée à la nouvelle orientation par l'érection de pôles agricoles intégrés telle que déclinée pour la viticulture, fait penser à une opération de «hallalisation» de l'ONCV. C'est dire que l'embellie de cette année, avec le retour en force de l'ONCV à Témouchent, ne permet pas de présager de meilleurs lendemains pour la filière. En savoir plus : lire «Aïn Témouchent, futur pôle viticole intégré ?», El Watan du 17 juillet 2010.