Ainsi qu'il fallait s'y attendre, la présidence française a fini par annoncer lundi le report du second sommet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), qui devait se tenir demain à Barcelone, en Espagne. Cet ajournement était prévisible dans la mesure surtout où de nombreux pays de la rive sud de la Méditerranée ont refusé, une nouvelle fois, de s'asseoir à la même table que le chef du gouvernement israélien et son ministre des Affaires étrangères. L'épisode de l'arraisonnement sanglant de la flottille humanitaire à destination de Ghaza et la reprise des constructions israéliennes dans les territoires palestiniens occupés font certainement partie des éléments qui ont persuadé des pays comme l'Algérie et la Tunisie de ne pas se rendre à Barcelone. Accepter, dans le contexte actuel, de dialoguer avec Benjamin Netanyahu et Avigdor Liberman, les principaux bourreaux du processus de paix, équivaudrait, pour beaucoup, à donner aux Palestiniens un coup de poignard dans le dos. Le conflit du Proche-Orient était d'ailleurs à l'origine d'un premier report du sommet de l'UPM. Initialement prévu le 7 juin dernier, le deuxième sommet, une initiative lancée en grande pompe le 13 juillet 2008 à Paris, avait été reporté pour le 21 novembre en raison de l'attaque meurtrière menée par l'armée israélienne contre Ghaza. Les autorités françaises et espagnoles auront tout de même tenté jusqu'à la dernière minute de persuader leurs partenaires arabes de lâcher du lest. Les nombreuses tentatives de «conciliations» diplomatiques menées avec l'Algérie et la Tunisie par Miguel Angel Moratinos, l'envoyé spécial du gouvernement espagnol, se sont toutefois toutes soldées par un échec. Bien que reçu avec les honneurs par le Premier ministre algérien le 11 novembre dernier, l'ancien chef de la diplomatie espagnole, chargé de la préparation du sommet, est néanmoins reparti bredouille d'Alger, puisque les autorités algériennes ont refusé catégoriquement de fermer les yeux sur la situation qui prévaut au Proche-Orient. C'est le cas également de la Tunisie qui a conditionné la tenue du sommet de l'Union pour la Méditerranée à des progrès dans le dossier palestinien. «La plus importante (condition, ndlr) est celle relative à l'amélioration de la situation qui prévaut au Proche-Orient dans le sens de la reprise des négociations de paix suspendues actuellement en raison de l'obstination d'Israël à poursuivre sa politique de colonisation», a précisé, la semaine dernière, le porte-parole officiel de la présidence tunisienne, qui avait cependant affiché son soutien au projet cher au président français Nicolas Sarkozy dès son lancement. L'autre obstacle signalé : «L'absence de progrès dans la réalisation des projets adoptés dans le cadre de l'UPM.» Devant des défections aussi importantes, il ne s'offrait d'autre choix à la coprésidence franco-égyptienne et à l'Espagne que de reporter une nouvelle fois la rencontre au sommet. Un communiqué de l'Elysée a reconnu clairement par ailleurs que «(…) le blocage actuel du processus de paix au Proche-Orient rendait impossible une participation satisfaisante au sommet envisagé pour le 21 novembre à Barcelone (…)». Pour une fois, les politiques occidentaux consentent à admettre que ce sont les positions du gouvernement israélien qui minent la paix en Méditerranée. Pour l'heure, l'avenir de l'UPM paraît des plus incertain, même si à Paris on se montre persuadé que le projet reste viable. L'Egypte, la France et l'Espagne souhaitent en tout cas que ce second sommet de l'UPM puisse se tenir à Barcelone dans les prochains mois. Les trois pays ont d'ailleurs appelé à une reprise rapide des négociations israélo-palestiniennes sur la base du droit international, des accords signés entre les parties et des autres termes de référence du processus de paix. L'espoir nourri par Paris, notamment de parvenir, à moyen terme, à réunir à la même table Israéliens et Arabes paraît néanmoins illusoire au regard des difficultés que connaît le processus de paix au Proche-Orient sur le terrain. A ce propos, le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat, a encore insisté lundi dernier sur le gel complet de la colonisation dans les territoires palestiniens, réaffirmant qu'Israël ne doit pas se contenter d'un moratoire limité à la Cisjordanie, s'il veut prouver son sérieux. Mais pour le malheur de l'UPM, les autorités israéliennes ont déjà fait comprendre qu'elles n'étaient pas prêtes à faire un tel«cadeau» aux Palestiniens. Même si l'Union pour la Méditerranée permet de porter des projets concrets (dépollution, transports, eau, environnement…), la crise au Proche-Orient montre ainsi très vite les limites d'un tel projet. Un projet qui, faut-il le dire, présente le désavantage d'être mal perçu aussi en Europe.