Ils font de la peinture à leur manière, inimitable et ludique. Leur talent d'artistes plasticiens s'exerce d'abord sur leur ville, Maghnia, sur leur univers proche et les heurts et bruits indistincts. Dans leur ville, on les appelle la bande des quatre. Ailleurs, partout ailleurs, là où ils ont accroché leurs toiles, notamment chez Mediene Moussa, à la galerie Lotus à Oran, au Maroc, en Espagne, en Hongrie, en France, aux Emirats arabes unis et en Egypte, ils sont toujours quatre, inséparables, indémodables.Une expérience unique en Algérie de par sa longévité, un compagnonnage fusionnel et indestructible qui a pris corps en 1980 et qui demeure constant jusqu'au jour d'aujourd'hui. Trente années pour peindre et écrire des chroniques du temps qui passe, à leur manière, grâce à leur ressenti et aux couleurs que leur offre une cité irrémédiablement ouverte parce que frontalière, et les frontières sont, comme tout le monde sait, les meilleurs stimulants à l'art de se dépasser pour déjouer les barrières, contrarier les interdits, atténuer les comportements irrespectueux des barons du jerrican du carburant subtilisé à la pompe d'à proximité et du pastis frelaté d'à côté. Appellation «incontrôlée» Transcendant l'unicité hâtive des définitions du prêt-à-penser, Ahmed Hamidi, Abdelkader Arzazi, Mustapha Souadji et Abdelkader Mahboub ne se présentent pas sous une étiquette précise, ne revendiquent pas un courant déterminé, une école de peinture indiquée. Ils ne sont pas dans l'unicité des étiquettes, mais plutôt dans ces pistes où l'invite n'est jamais limitée. En d'autres mots, ils sont à la fois un et quatre dans l'acte de laisser s'exprimer leur sensibilité d'artistes, de faire adjoindre les symboles forts qui les marquent, de construire une architecture du mouvement et de l'humeur qui les identifie. Au départ de l'aventure entamée en 1980, les quatre créateurs ne se sont pas laissé enfermer dans des définitions académiques. En partie autodidactes et fiers de l'être, ils ne se sont jamais attardés dans les méandres des débats de spécialistes. En effet, très vite, ils se sont affranchis des thèses et des théories interminables qui les accompagnent afin d'inscrire leurs apports esthétiques sur des registres où la priorité est accordée aux sens qui nous gouvernent dans nos réactions et notre humanité primaire, sincère et désordonnée parce que instinctive, parce que réfractaire aux définitions définitives. Dans cette expression plurielle, débridée mais ô combien expressive, le quatuor se veut seulement créateur du Beau, à la recherche d'un équilibre que sa ville de naissance est apte à offrir. Les quatre artistes peintres sont dans l'attachement à leur repère physique, mais aussi à une interpellation vivante et dynamique de ce repère.Maghnia est le navire imaginaire préféré, le «bateau ivre», la première épreuve de l'efficacité créative, l'endurante palette et les singuliers cavaliers de la couleur et des odeurs ne se privent pas d'en exploiter la moindre nuance, le moindre éclat sombre ou lumineux, la moindre résistance, la moindre senteur. Il y a, chez eux, aussi bien une recherche plastique ininterrompue dans la quête du surprenant qu'un fou désir de répertorier les souffles indistincts de la ville dans ses remue-ménage immédiats et ses marques éternelles : le penchant esthétique est à chaque fois souligné dans son rapport avec les patrimoines matériels et mythes d'hier et les réalités visibles ou encore spontanées de maintenant avec, bien sûr, pour chacun, son cachet personnel. Et c'est ainsi que se dégage une unité de ton joyeuse et spécifique qui montre bien que nous sommes face à une expérience plus qu'originale. Une expérience qui continue sans fanfare son petit bonhomme de chemin dans une ancienne église transformée, grâce à l'abnégation de quelques amoureux de la peinture, en une formidable caverne de la création.