Guerroyer la nuit, faire la grasse matinée et revenir à la charge en début d'après-midi. Les scènes d'émeute sont devenues ordinaires à Tizi Ouzou depuis le déclenchement des événements au chef-lieu de wilaya. L'étincelle est partie du quartier les Genêts, dans la soirée du 6 janvier. Les escarmouches se sont poursuivies jusqu'à une heure tardive. Les affrontements avec les forces antiémeute se sont propagés, vendredi, à d'autres quartiers, notamment ceux situés au centre-ville comme les Eucalyptus, les cités du 5 Juillet, CNEP et des Fonctionnaires, mitoyenne du siège de la wilaya, où un important dispositif sécuritaire a été mis en place pour parer à toute éventualité. Hier, après une matinée calme, la ville a renoué avec le climat de troubles en début d'après-midi. Armés de pierres, des dizaines de jeunes se sont amassés sur le boulevard Abane Ramdane avant de s'en prendre, de nouveau, aux vitres de la CNEP. Postées non loin de la 1re sûreté urbaine, les forces de l'ordre ont usé de gaz lacrymogènes pour disperser la foule en furie qui barricadait la rue avec des panneaux métalliques, des pierres et des bennes à ordures. D'autres foyers de moindre intensité ont été signalés à la cité du 5 Juillet, sur la route menant à la gare routière, au boulevard Stiti et près de l'ancienne salle de cinéma le Mondial, à quelques mètres du siège de la daïra de Tizi Ouzou. Forgés par de longues années de révolte du printemps noir de Kabylie, les émeutiers, très mobiles et rompus au «combat» de rues, ouvraient des brèches dans le camp adverse qu'ils bombardaient de pierres et d'objets hétéroclites. Ni slogan ni banderole. La mobilisation est spontanée et autonome de toute chapelle politique. En dehors de la cherté de la vie, des observateurs peinent à décrypter le sens «exact» de ces émeutes. C'est un soulèvement populaire contre la mal-vie. Les prix des produits alimentaires essentiels, des fruits et légumes n'ont jamais connu de répit depuis des années. Donc, ce n'est pas nouveau pour le citoyen. «Nous n'avons ni travail ni avenir dans un pays qui dispose pourtant de milliards de dollars dans ses caisses», nous dit-on. «La dégradation des conditions de vie des Algériens, qui ne cesse de s'accentuer de façon dramatique, semble, ces derniers temps, atteindre le seuil de l'intolérable. Il est clair que la révolte patente ou refoulée qui sommeille au cœur de la société algérienne ne constitue rien de moins qu'un rejet sans appel du système politique en place et un appel pressant à un changement radical», analyse, de son côté, le mouvement citoyen des archs dans une déclaration rendue publique hier. Pour les animateurs des archs, la situation socioéconomique en Kabylie n'a guère changé depuis 2001.