ais contrairement aux éditions précédentes, les organisateurs de ce haut lieu de débat se veulent cette fois-ci plus pragmatiques dans l'approche assignée à ces joutes oratoires auxquelles participaient, de manière générale, plus les théoriciens de l'art des planches que ceux qui le pratiquent. Pour cette année, la démarche est inversée en ce sens que l'orientation des débats et des résultats attendus se veut plus en rapport avec le produit artistique proposé au regard du spectateur. Dans cette optique, le premier intervenant, membre fondateur de la troupe nationale irakienne, rappelle que les préoccupations portées par les troupes invitées aux 12e JTC sont des préoccupations partagées par l'ensemble des collectifs artistiques arabes. Il ne manquera pas au passage de citer les troupes tunisiennes qui, lors de cette édition, se sont faites, toutes, presque un devoir de monter des sujets sur l'actualité sanglante en Irak. Georges Ibrahim, directeur du centre de théâtre de Ramallah, Palestine, se désole que « l'on continue à développer des discours vieux de 30 ans ». Toujours selon lui : « L'Europe a abandonné ce type de discours il y a 40 ans. Nous produisons des pièces pâles et sans saveur. » Néanmoins et comme pour arrondir les angles, il cite « l'admirable prestation » de la comédienne Raja Ben Amar dans sa pièce monologue Hawa Watani jouée à la salle Hamra. Clôturant le registre du satisfecit, il salue par ailleurs l'admirable complicité des trois comédiens tunisiens de la pièce Etat Civil de la troupe Teatro. Pour sa part, Paul Chaoul, critique libanais bien connu sur la place carthaginoise (il était membre du jury de la première session des JTC en 1983), est catégorique quant il déclare que ce qu'il a vu comme théâtre ces dernières années n'incite en rien à l'optimisme. « Nous sommes dans le reproduction de la photocopie », dira-t-il et « ce choix décadent est le résultat d'un fossé qui ne cesse de s'élargir entre l'auteur de la pièce et le metteur en scène. La fin du texte, ce sont les metteurs en scène qui en sont responsables », accuse-t-il et de s'interroger sur le registre du dépit « qu'adviendra-t-il au théâtre arabe si on place l'auteur en maison de retraite de l'écriture ? » Toujours sur la lancée réquisitoriale, il informe que 90% des spectacles joués dans les pays arabes sont écrits par des metteurs en scène. Appuyant sa démonstration par la nécessité de la présence du texte, Paul Chaoul appelle à ce qu'il y ait plus de courage et de culot dans l'ouverture d'un nouveau champ de l'expérimentation théâtrale. Un journaliste irakien déplore quant à lui que « l'on reste sur des expériences passées » et d'ajouter : « N'ayons pas peur de traiter des sujets de fonds. » L'intervenant n'oublie pas d'évoquer la contrainte « des langues locales ». Et pour illustrer son propos, il cite le parler des éléments des troupes tunisiennes qui, dans une bonne proportion, s'expriment dans un accent qu'il trouve handicapant pour la compréhension du spectacle. A son tour, il ne manquera pas de « saluer la performance de Raja Ben Amar qui, même fracturée à la jambe, a su nous transmettre de l'émotion sur un sujet comme l'Irak ». Lui succédant, un critique et fondateur d'une troupe libanaise parle lui carrément de kidnapping du texte. « Nous sommes contre le kidnapping de textes au profit de modes qui privilégient la chorégraphie et la scénographie et autres coquetterie du réalisateur », dira-t-il en réponse à Ezzedine Madani, auteur et président de séance, qui pose la question de « la perte du sens ». Louis Pérénitti, ami du regretté Serrault et formateur de nombre de figures de proue du théâtre tunisien moderne, considère pour sa part que « l'on ne doit pas se montrer trop pessimiste et qu'il n'y a pas nécessairement péril en la demeure quand le théâtre arabe et notamment tunisien, comme l'ont soulignés certains, lorgnent du côté de l'Europe ». Se voulant rassurant et surtout diplomate, il croit que « le théâtre est avant toute chose une affaire de métissage ». Majales continuera sur deux autres journées entièrement acquises au débat d'idées.