Avec le sourire aux lèvres et une célérité remarquable, les agents de la police des frontières du poste de Debdab apposent le tampon de la République et retournent leurs passeports aux voyageurs étrangers. La situation est telle depuis une semaine. De Debdab (Bechar). Notre envoyé spécial L'Etat n'a pas lésiné sur les moyens pour faciliter l'évacuation des réfugiés de nationalités étrangères fuyant la Libye en état de guerre. Les effectifs ont été doublés et instruits de faire preuve d'hospitalité. Les représentants de la cellule de crise créée au niveau de la wilaya d'Illizi travaillent d'arrache-pied sur les lieux avec une discipline assurée par la présence de hauts gradés des corps qui constituent la cellule, à savoir l'ANP, la police des frontières, la Gendarmerie nationale, les Douanes, la Protection civile, le Croissant-Rouge algérien, la commune de Debdab en plus de Sonatrach qui fournit les vivres. Une équipe médicale, placée en poste avancé, assure le contrôle des réfugiés soupçonnés de porter des maladies virales. Trois centres d'accueil ont été aménagés pour l'occasion, soit l'internat du lycée, d'une capacité d'accueil de 400 places, l'auberge de jeunesse, réservée pour les familles, et enfin, le camp de toile installé par l'ANP, pouvant accueillir 1200 lits. C'est surtout l'ANP qui brille dans cette opération par l'importance des équipements et le savoir-faire qui leur a permis d'installer une boulangerie mobile sur les lieux. Le poste de Debdab, situé tout en haut de la ligne séparant les deux pays, accueille depuis le 24 février les étrangers en plus des deux autres postes de Tarat et Tin Alkom, situés dans la wilaya d'Illizi. Près d'un millier de réfugiés ont passé en une semaine par ces trois postes, essentiellement par Debdab. Hier encore, une soixantaine d'Egyptiens sont arrivés en deux groupes successifs. C'est la plus grande communauté étrangère en Libye et c'est la nationalité la plus importante qui passe en Algérie. Le groupe arrivé mardi a quitté hier l'aéroport international d'In Amenas. Mention complète pour les services algériens. Enroulé dans l'emblème algérien, Djamel Khalil Ali, un quinquagénaire égyptien, attend la délivrance, lui dont le passeport a expiré et doit attendre l'intervention de sa représentation diplomatique pour pouvoir passer. Ses compatriotes, arrivés mardi matin comme lui, ont quitté Debdab vers In Amenas et risquent de prendre l'avion du retour sans lui. Djamel travaillait pour son propre compte, dans la ville de Tiji au Sud-Est libyen où se trouvent plus de 1000 Egyptiens, raconte-t-il, en plus des ressortissants d'autres nationalités. «Nous n'avons eu aucun problème à Tiji, mais nous avons préféré anticiper et partir malgré l'insistance de nos amis libyens qui nous suppliaient de ne pas les quitter», assure-t-il avec lassitude. La vie au quotidien est devenue cependant pénible à cause des pénuries. «Les autochtones ont tout acheté dès le début des heurts et nous, nous nous sommes retrouvés en difficulté ne sachant plus où trouver des aliments», raconte encore Djamel. La seule consolation pour lui est le parfait accueil qu'il a rencontré une fois la frontière passée, au niveau du poste algérien. «Franchement, on ne s'attendait pas à cet accueil de la part du peuple algérien.» Un nuage d'été ? On craignait même qu'on nous refoule», reconnaît-il en ajoutant avec ses doigts, joignant le geste à la parole, que les Algériens ont assuré dix sur dix. Ceci dit, Djamel s'inquiète, comme sa famille, de son sort. «Les autorités, ici, appellent à chaque moment l'ambassadeur égyptien et lui, promet qu'il arrive mais il n'arrive pas, haram que je ne pars pas aujourd'hui avec mes compatriotes.» Mais les souffrances de Djamel sont abrégées en début d'après-midi et il quitte enfin le poste avant l'arrivée d'un autre groupe d'Egyptiens. Dans un brouhaha joyeux, la première moitié d'un groupe composé d'une soixantaine d'Egyptiens, tous des jeunes employés par la société d'An Nahr Al Aadhim (le fleuve géant, ndlr) débarque au poste. Tout de suite, ils prennent possession de bouteilles d'eau minérale, de pommes et de biscuits en attendant d'accomplir les formalités de passage. Un officier de police leur offre le drapeau algérien qu'ils prennent plaisir à embrasser dans une ambiance fraternelle. Leur employeur a suspendu son activité et à l'instar des autres travailleurs asiatiques et européens, ils ont dû quitter les lieux et le territoire libyen, devenu dangereux, par l'issue la plus proche et surtout la plus pratique. En effet, la pression exercée sur les postes séparant la Libye de la Tunisie, par les étrangers fuyant le pays d'El Gueddafi, et la fermeture de ces issues, risquent de provoquer un grand rush sur Debdab dans les jours à venir. Une option envisagée en tout cas par les autorités qui semblent être bien préparés pour faire face à la situation. «Nous sommes préparés à des arrivages en masse à Debdab qui n'est qu'un point de transit», nous a déclaré hier Azzeddine Sahnoun, de la cellule de crise de la wilaya, chargé de l'animation et du suivi de l'accueil des ressortissants étrangers. Il faut ajouter à ce mouvement de réfugiés, le va-et-vient de citoyens libyens, originaires de la ville de Ghadames (20 km de Debdab), qui viennent faire le plein en carburant et s'approvisionner en vivres. D'ailleurs, des instructions ont été données, nous dit-on, pour doubler la quantité de carburant accordée à la wilaya d'Illizi. Quelques familles algériennes et libyennes ont été enregistrées aussi au poste. M. A., sa femme et ses deux jeunes filles font partie de ces familles en quête de quiétude qui ont préféré passer la frontière du côté algérien «en attendant le passage de ce nuage d'été», s'exclame le père.