C'est un véritable pavé que le ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas, a jeté dans la mare, déjà bien sale, du trafic éhonté qui se fait sur l'attribution des pensions de retraite. « Ces abus ne se limitent pas à quelques cas isolés mais concernent des milliers de personnes ayant bénéficié de pensions de la part d'une ou plusieurs directions au niveau national. » C'est en ces termes, qui traduisent l'étendue du trafic, que le ministre a interpellé les 48 directeurs des moudjahidine des wilayas, à l'occasion de l'examen des activités de son secteur durant l'exercice 2005 et les prévisions de l'année 2006. Le ministre lève ainsi un voile sur une nouvelle pratique frauduleuse gangrenant son département, mais surtout qui grève considérablement son budget. Et pour cause, au moins 50% de la dotation budgétaire alloué aux moudjahidine profite aux bénéficiaires de cette rente qu'est la pension complémentaire. « Savez-vous que 50% du budget du secteur sont consacrés à ces pensions ? » La montée au créneau de Mohamed Chérif Abbas dénote une pratique quasi systématique dans les différentes directions des moudjahidine, avec tout ce que cela suppose comme perte sèche d'argent au contribuable. Bien que le ministre ne désigne pas clairement les mentors et les commanditaires de ce trafic, il ne s'est pas empêché cependant de pointer du doigt les « manipulations de certaines parties qui se sont rendues coupables » et qui devraient, promet-il, faire l'objet de mesures dissuasives radicales. Ira-t-il jusqu'à dénoncer publiquement les faussaires ? A suivre le propos du ministre, on comprend que pour l'heure, on préfère fermer l'œil et faire preuve de vigilance pour l'avenir. « Dorénavant, nous serons intransigeants et nous ne nous contenterons pas de suspendre les pensions des personnes reconnues coupables de tels actes, mais les poursuivrons en justice... » En clair, les milliers de faussaires, qui se sont sucrés jusque-là via une multitude de pensions « débrouillées » dans différentes wilayas, ne doivent pas s'inquiéter pour d'éventuelles enquêtes. Le ministre fait sienne la politique de « on efface tout et on recommence » au lieu de donner un coup de pied dans la fourmilière. Ceci d'autant qu'il semble connaître parfaitement le réseau des faussaires, puisqu'il prend le soin de préciser qu'il s'agit « des individus qui s'érigent en intermédiaires entre les directions centrales et de wilaya ». Mais pour prémunir son secteur contre ce genre d'agissements qui « portent préjudice à la crédibilité de ses services », Mohamed Chérif Abbas conseille simplement aux ayants droit (les moudjahidine) de se rapprocher des directions éponymes en vue de percevoir leur dû, « sans clientélisme aucun ». Contacté hier par El Watan pour en savoir plus sur cette scabreuse affaire, aucun responsable de ce ministère n'était disponible. C'est donc un autre scandale qui vient d'être incidemment éventé par le premier responsable de ce secteur, déjà fortement secoué par le fameux dossier des « faux moudjahidine » qui a fait couler beaucoup d'encre pour échouer finalement dans une ténébreuse commission nationale d'enquête dont on ne connaîtra sans doute pas les conclusions, ou presque. C'est dire qu'après les faux moudjahidine, l'on assiste maintenant à de fausses pensions !