Le scandale des fausses attestations d'anciens moudjahidine refait surface avec l'ouverture de ce dossier au niveau de la Caisse nationale de retraite (CNR) par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. En effet, une enquête nationale vient d'être lancée par le ministre en personne, au niveau de la CNR, pour lever le voile sur les nombreuses fausses attestations d'anciens moudjahidine déposées à la caisse pour bénéficier, nous a-t-on indiqué de source sûre, de pensions ou augmenter le montant de cette dernière. Selon nos interlocuteurs, tout a commencé avec la vérification d'un cas de faux, dont les investigations de l'inspection générale auprès du ministère ont dévoilé trois autres dans un même centre. Cela a poussé le ministre à exiger une enquête qui touchera l'ensemble des pensionnés de la Sécurité sociale. « A moins d'une semaine de l'inspection, au moins dix-neuf cas de fausses attestations ont été constatés. Et ce nombre risque de connaître une hausse considérable d'ici la fin de l'enquête qui n'est, faut-il le préciser, qu'à son début », ont révélé nos interlocuteurs. Ces révélations prouvent en fait - pour la énième fois - l'existence d'un vaste réseau de faux moudjahidine et ayants droit que l'Etat s'est engagé publiquement, à travers ses ministres, notamment des Moudjahidine, Mohamed-Chérif Abbas, d'endiguer. En vain. En juin dernier, interpellé par des députés, le ministre a promis de déposer plainte, mais à ce jour aucune action contre les faussaires n'a été engagée en dépit du fait que leur nombre, et selon les dires du même ministre, à l'occasion du 50e anniversaire de la Révolution, a atteint, depuis l'indépendance, 10 000 cas qui, selon lui, sont des harkis et d'anciens collaborateurs de la France coloniale. « Plus de 50% des faux moudjahidine recensés sont le fait d'un mauvais contrôle de l'administration », a-t-il expliqué dans une conférence de presse animée fin octobre 2004. Ces chiffres, et en dépit de leur gravité, ont été néanmoins vite contestés par un groupe d'anciens officiers de l'ALN dissidents de la direction de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) pour lesquels, « sur les 2 millions de moudjahidine qui touchent une pension, entre 400 000 et 500 000 ont véritablement la qualité de combattant ou d'ayants droit ». Les contestataires de Béchar, Khenchela, Mostaganem, Tipaza, Guelma et Chlef, réunis autour de Mustapha Bougouba, ancien officier de l'ALN, ancien responsable de l'ONM à Koléa, ont exigé une épuration des rangs, jugeant « la situation extrêmement grave du fait de l'infiltration d'anciens harkis et agents des services de renseignements français dans les rangs des moudjahidine ». Ils ont menacé de rendre publique la liste des faux moudjahidine qui fera, d'après eux, l'effet d'une bombe. M. Bougouba a été reçu à la présidence de la République, où un dossier complet a été déposé et une enquête ouverte, mais dont les conclusions n'ont jamais été connues. Ses affirmations sur le nombre des anciens combattants rejoignent quelque part les révélations d'anciens hauts responsables de l'ALN, selon lesquelles, en mars 1962, il ne restait entre 3500 et 6000 moudjahidine auxquels il faut ajouter les soldats de l'Armée des frontières et les membres de l'OCFLN. Tous réunis, ils ne peuvent constituer le nombre faramineux de 500 000 combattants avancé par les responsables en 1980, devenu près d'un million vers la fin des années 1990. Contrairement à la logique qui veut que le nombre des anciens combattants diminue à travers les générations, l'Algérie reste le seul pays au monde où le nombre de ses anciens moudjahidine augmente au fil des années grâce à la complicité de certains vrais moudjahidine et le silence des autres. Peut-on espérer que l'enquête du ministère du Travail puisse lever le voile une fois pour toutes sur ce lourd scandale ?