L'Algérie est-elle une société de non-débat ? Les Algériens ne dialoguent plus, ne débattent plus de rien. L'annonce il y a quelques jours des réformes politiques par le président Bouteflika avait laissé penser à un dégel de la pensée et de la réflexion aussi bien au niveau de la classe politique que de la société civile. Que les initiatives politiques et les bases d'un débat pluraliste fécond et critique autour des axes des réformes soumis à la réflexion allaient être aussitôt jetées dans tous les espaces publics et privés, institutionnels ou informels susceptibles de donner vie à ce débat qui tarde à être engagé. Il n'en est rien. Plusieurs jours se sont écoulés depuis l'engagement solennel pris par le chef de l'Etat d'ouvrir le chantier des réformes politiques et institutionnelles et l'on ne voit encore rien poindre à l'horizon. Aucune initiative concrète n'est venue conforter la volonté exprimée par Bouteflika d'aller vers des réformes constitutionnelles. Les médias lourds et particulièrement la télévision qui sont le meilleur baromètre pour jauger les intentions réelles du pouvoir en la matière ne montre aucun signe annonciateur d'un changement dans les arcanes du système. Les débats politiques et tables rondes cousues main sont toujours de rigueur. Vague et limité dans sa portée réformatrice, sans calendrier précis, le projet présidentiel tel que décliné ne semble pas susciter l'adhésion des citoyens. Pas même des milieux avisés : classe politique, associations de la société civile, mouvement estudiantin, médias lourds qui demeurent dans l'expectative. On attend de voir de quoi il retourne avant de se prononcer. Pourtant, fondamentalement les Algériens ont soif de débat libre et démocratique. On a vu à chaque fois que l'opportunité est offerte aux citoyens de donner leur avis sur des sujets qui concernent leur vécu et leur devenir, dans des cadres informels où la parole n'est pas bridée, les Algériens, par delà leur diversité d'opinions, ont toujours répondu présent, quantitativement et qualitativement. Cela s'est vérifié encore une fois ce week-end lors de l'organisation du forum d'El Watan. La qualité des intervenants, l'affluence enregistrée à ce forum et le niveau élevé du débat qui avait tourné autour du sujet d'actualité des réformes politiques en Algérie ont fait dire à un participant que tous les éléments du débat autour de la Constituante étaient présents dans les discussions. C'est de ce genre de débat porté par les forces vives de la nation, de l'Algérie qui avance, que les citoyens sont friands et demandeurs. Les Algériens sont échaudés par les commissions officielles version maison pour se laisser aller à un optimisme démesuré par rapport à cette commission de «sages» chargée de réfléchir sur les réformes constitutionnelles. Du choix des experts qui siégeront au sein de cette structure, de leur représentativité, leur compétence et leurs prérogatives mais surtout du contenu intrinsèque du projet de réformes en soi dépendront la crédibilité de cette commission et l'adhésion populaire ou non aux résultats de ses travaux.