Mercredi soir, l'avocat Mohand Issad s'est éteint, à Paris, à l'hôpital Hôtel-Dieu, à l'âge de 75 ans, suite à un cancer du poumon. La maladie s'est manifestée deux mois avant de l'emporter subitement, selon un ami du défunt. Un mal qui l'a arraché à son épouse et ses deux enfants qui ne s'attendaient guère à une telle tragédie, puisque l'avocat était parti à Paris pour subir un contrôle routinier. C'est une fois à Paris, qu'il a appris la macabre nouvelle. Il n'a pu survivre à la cruelle maladie et a rendu l'âme mercredi soir. Il sera rapatrié dimanche, la veille de son enterrement à Alger. Professeur agrégé en droit, spécialiste du droit international, feu Issad avait occupé, en 1999, le poste de président de la Commission nationale de réforme judiciaire (CNRF). En 2001, il a été désigné par le président Abdelaziz Bouteflika pour diriger la commission d'enquête sur les événements de Kabylie en 2001. «C'était un homme d'une grande clairvoyance d'idées. Je l'ai vu vendredi dernier et nous avons parlé de tout, sauf de sa maladie. Il était serein et courageux», témoigne, d'une voix émue, Me Khaled Bourayou en soupirant : «Mohand Issad est une très grande perte pour le barreau algérien et la faculté de droit.» Même émotion du côté de Me Miloud Brahimi : «J'ai fait mes premiers pas dans le cabinet de Me Issad. Nous étions comme des frères. Sa disparition m'affecte énormément.» L'avocat des causes difficiles Ayant occupé le poste de président de la Commission nationale de réforme judiciaire, Me Mohand Issad avait dressé un tableau peu glorifiant de la justice algérienne. Dans un entretien accordé à El Watan en 2005, il soutient qu'«il y a beaucoup de choses à réformer, à introduire et aussi à chasser comme les mauvaises habitudes, la désinvolture et le laisser-aller. Je comprends que les pouvoirs publics ne puissent pas tout faire en même temps». Il avait suggéré également de «revenir aux statistiques, défricher les dossiers de justice pour savoir si réellement les magistrats font un peu plus attention avant de mettre quelqu'un en détention préventive…» En 2001, chargé de présider la Commission nationale d'enquête sur les événements de Kabylie, il rendit son rapport au chef de l'Etat au mois de juillet. Ce document, qui suggère les noms des responsables de la répression, n'a toujours pas été exploité par le président de la République ni par les autorités pour rendre justice aux familles de plus d'une centaine de victimes. A ce sujet, l'avocat ne s'est pas montré étonné de la négligence et de l'indifférence accordées au rapport des événements de Kabylie de 2001. Dans un entretien accordé à El Watan Week-end le 16 avril 2010, il affirmait que «le rapport rédigé a permis aux autorités algériennes d'ouvrir des pistes pour leurs enquêtes et les suites à donner à ces affaires. Mais dans notre pays, il se trouve qu'il y a un déficit de transparence… Il ne faut pas enterrer les dossiers si on veut construire un Etat de droit.» Me Mohand Issad a donc quitté ce bas monde en laissant derrière lui des travaux de mémoire de longue haleine qui mériteraient d'être pris en considération, si son pays veut vraiment lui rendre hommage.