Me Fatima Benbraham, avocate à la cour d'Alger, bousculera les tabous, hier, lors du colloque organisé à l'université Emir Abdelkader, en affirmant qu'en Algérie les enfants abandonnés par des mères célibataires en détresse se comptent par milliers, donnant dans ce sens le chiffre effarant de 42 000 enfants/an, sans parler de l'infanticide. Elle critiquera violemment la loi votée par le Parlement européen allant dans le sens de l'adoption et rejetant la kafala que recommande l'Islam. Elle milite pour le recours à l'ADN afin de déterminer la filiation des enfants abandonnés qui endurent les pires souffrances durant toute leur vie. «Les textes religieux sont en conformité avec la science, alors pourquoi ne pas légiférer dans ce sens ?» a-t-elle plaidé. Par ailleurs, «La place de l'enfant en Islam» était le thème de ce colloque. L'initiative, inédite, a tenté de rendre un tant soit peu justice à cette frange de la société à laquelle l'Islam a octroyé des droits aussi innombrables que prépondérants, et qu'une société malade, en perte sérieuse de ses valeurs, ignore superbement. C'est également, et surtout, un pur plaidoyer pour les enfants nés sous X, selon une appellation péjorative issue du colonialisme. Quelques exégètes se sont relayés pour évoquer l'importance liée au bien-être de l'enfant dans le texte coranique. Le docteur Abdallah Boukhalkhal, recteur de l'université Emir Abdelkader, dira que toutes les déclarations sur les droits de l'enfant, ratifiées par différents organismes mondiaux dès 1924, existaient déjà 14 siècles auparavant, avec l'avènement de l'Islam. Le Pr. Khaled Stambouli, de l'université d'Alger, spécialiste de la chariâ et Hadith, abordera «La place de l'embryon dans le Coran et la Sunna», et le Pr. Abdelkader Djeddi « La prise en charge et l'intérêt de la filiation dans la chariâ ». Mohamed-Cherif Zerguine, enfant adopté lui-même, ébranlera l'assistance en évoquant le statut de l'enfant abandonné à travers l'Histoire, disant, entre autres: «Nous (les enfants abandonnés, ndlr) avons été enterrés vivants en Arabie antéislamique, sacrifiés aux rites païens et servi de boucliers humains pour les armées romaines…». Un court-métrage émouvant, «La peur de l'inconnu», relatant succinctement son histoire, a été également projeté. A noter que les secteurs concernés par l'évènement, ceux de la DAS, l'éducation et la santé, ont brillé par leur absence, au moment où des représentants de la Sûreté et des militaires étaient présents.