Privés de la chaleur d'un foyer, les enfants abandonnés dans les hôpitaux et parfois dans la nature par leur mère, pour une raison ou une autre, se retrouvent dans des foyers publics où ils attendent désespérément une famille d'accueil. Leur nombre reste très difficile à contrôler du fait de la chape de plomb qui pèse sur ce phénomène considéré comme tabou dans notre société. Le rapport du comité national de la population faisait état en 2001 de 5000 naissances hors mariage. Un nombre qui inclut non seulement les enfants accueillis dans les structures après abandon par leur mère, mais également ceux nés d'un mariage religieux (avec la Fatiha). Le ministère de la Solidarité a avancé le nombre de 2896 enfants privés de famille ayant transité par les services sociaux en 2004 et 150 sont décédés avant même d'être placés dans les structures de l'Etat. Sur les 2896 enfants privés de famille, 215 ont été repris par leur mère, 769 adoptés dans le cadre de la kafala par des familles installées en Algérie et 116 placés, toujours dans le cadre de la kafala, dans des familles algériennes vivant à l'étranger. Les mêmes interlocuteurs ont indiqué que 570 autres enfants sont concernés par la garde payante, alors que 312 sont actuellement dans des centres d'accueil. En 2002, le ministère de la Solidarité et le Ceneap ont initié une enquête pour cerner le problème des abandons par les mères célibataires et trouver les solutions adéquates pour y faire face. Le rapport resté confidentiel a fait état d'une situation très critique de la prise en charge dans les foyers publics de la petite enfance et, « à quelques exceptions près, des taux de mortalité et de morbidité acquise sont très élevés, même trop ». Les enquêteurs ont cité le cas « de bébés de quelques semaines se laissant mourir après la rupture d'un lien intense avec la mère par la médiation du sein qui était donné en permanence. La perte brutale de l'objet d'amour provoque un tel choc que l'enfant refuse de s'alimenter et procède à un véritable suicide passif, en l'absence d'un substitut sécurisant. » Dans leurs recommandations, les enquêteurs ont appelé à la révision de la carte sociale des établissements, l'implantation d'un plus grand nombre de structures dans les grandes agglomérations où sont concentrés les abandons, la diversification de la spécialité des structures pour une prise en charge adéquate, la création de structures pour enfants handicapés, le placement familial dans le cadre soit de la kafala intra-familiale ou de la kafala tout court. Pour le ministère de la Solidarité, l'adoption dans le cadre de la kafala est en train de connaître un léger recul pour des raisons non expliquées. Ainsi, le nombre des enfants adoptés (par la kafala) est passé de 3339 en 2001, à 3260 en 2002, 3193 en 2003 pour atteindre 885 en 2004. Si le ministère de la Solidarité n'a pu expliquer ce recul, des spécialistes, notamment le mouvement associatif activant dans le domaine de la protection de l'enfance, ont justifié cette situation par les nombreux problèmes que rencontrent les familles d'accueil lors de la procédure d'adoption. Et aussi le fait qu'il y ait de plus en plus de reprises d'enfants par leur mère biologique. Apparemment, les mentalités ont quelque peu évolué pour permettre aux mamans célibataires d'assumer leur rôle sans trop de pressions sociales ou familiales. Cela n'exclut pas, toutefois, l'existence de pratiques illégales, telles que le placement direct d'enfants dans les structures sanitaires ou carrément le placement clandestin (par affiliation) moyennant rémunération. Le mouvement associatif attend beaucoup de la prochaine loi sur l'enfance afin de lever les dysfonctionnements administratifs et combler les vides juridiques existants en matière de prise en charge de l'enfance abandonnée et de la kafala. Dans ce sens, l'Association algérienne enfance et famille d'accueil bénévole (AAEFAB) a formalisé un certain nombre de propositions portant sur l'irrévocabilité de la kafala, l'inscription du mekfoul sur le livret de famille avec mention marginale et l'élargissement de la kafala au couple marié.