Dix-neuf ans déjà, jour pour jour. Mohamed Boudiaf est assassiné, plongeant toute l'Algérie dans l'émoi. Une mort qui a fait couler tellement d'encre et noyé plus d'un espoir. Si les officiels ne trouvent aucun intérêt à l'idée de commémorer la date d'assassinat de Mohamed Boudiaf, la fondation qui porte son nom ne manque pas d'organiser, chaque année, une halte pour que ses proches se recueillent sur sa tombe. Cette année, le cercle s'est élargi ; des jeunes ont rejoint cette lutte contre l'oubli. Sur facebook, un groupe invite les internautes depuis des mois à venir au cimetière El Alia pour se recueillir à la mémoire de ce révolutionnaire assassiné dans des conditions opaques. Djalil, 32 ans, encore marqué par le souvenir de ce fameux lundi 29 juin 1992, anime justement le groupe facebook de Mohamed Boudiaf, dit Tayeb El Watani. Il se dit «ému par cette figure méconnue et se plaît à raviver la mémoire de ce disparu». Près de 7000 personnes sont inscrites sur cette page pour partager leurs impressions, leurs regrets autant que leur indignation sur les intrigues qui entourent l'assassinat de cet ancien président. «Il ne faut jamais oublier cette date où la terreur a atteint son summum en Algérie. Ils ont tué Boudiaf devant le peuple algérien et ils sont toujours au pouvoir», écrit un internaute. Un autre, plus modéré, se limite à quelques mots pour rendre hommage «au combat, au patriotisme et à l'intégrité de l'homme qu'il a été». Un hommage, pour quoi faire, se demandent spontanément beaucoup de jeunes désabusés par les échos du passé, aujourd'hui à Alger. Pour lutter contre l'oubli, se réconcilier avec les bonnes valeurs, connaître un peu de notre noble histoire, répondent certains jeunes qui ont décidé, cette année, d'être au rendez-vous de la commémoration de l'anniversaire de l'assassinat de Mohamed Boudiaf. «Son histoire est entourée de secrets et c'est justement ce qui nous attire. On en a marre du mensonge, on a besoin de se réconcilier avec les modèles historiques de notre pays», explique Khaled, 29 ans. Il ajoute, d'un ton plein d'entrain mêlé à une mélancolie venue de loin : «On doit justement bien regarder derrière nous pour pouvoir avancer». C'est justement le genre de déclarations qui réconfortent les membres de la famille Boudiaf. Parmi eux Nacer, son fils, qui se dit «touché par la ferveur particulière qu'a connu la cause de son père cette année». «Grâce aux réseaux sociaux beaucoup de jeunes se sont intéressés à Mohamed Boudiaf, à son parcours et à son assassinat tragique, cela prouve que les Algériens savent adhérer aux causes justes lorsqu'ils sont sensibilisés», explique-t-il. Il a justement pris le soin d'écrire un ouvrage consacré aux 166 jours que son père a passé à la tête du HCE. Témoignages, révélations, informations documentées remplissent les pages de cet ouvrage intitulé Boudiaf, l'Algérie avant tout, qui paraît aujourd'hui même en France, en Belgique, en Suisse et au Canada. Il sera disponible samedi prochain à Alger. En attendant, ils sont des centaines à avoir promis d'être au rendez-vous, ce matin, au cimetière d'El Alia.