La capitale des Zianides a accueilli, du 21 au 26 juillet, le Festival international du diwane au théâtre de verdure El Koudia. La migration exclusive du festival, très attendu du public algérois, s'est faite en marge de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Les Tlemcéniens, plus accoutumés aux soirées andalouses, sont allés volontiers à la découverte de ce genre musical. Le théâtre romain, pas très approprié à cette musique qui appelle à l'exaltation des corps, a accueilli un public enthousiaste mais sans extravagance. Cependant, des groupes tels que l'Orchestre national de Barbès ou University of Gnawa et Aziz Sahmaoui ont réussi à animer les corps et faire déchaîner les foules qui en redemandent. La musique diwane, chez le groupe Ouasfane de Constantine, est une affaire de famille. Sur scène, le maâlem, l'aîné de la famille interprète des ksayed, reprises par ses fils, neveux et cousins, qui l'accompagnent en musique alors que ses filles assurent le chœur entre deux pas de danse. A quelques pas de la scène, encore étourdi par un concert éclair mais intense qui a enthousiasmé le public du Théâtre de verdure, fraîchement construit qui accueille le Festival international du diwane dans sa cinquième édition, il raconte l'aventure familiale. L'enfant, poussé par sa curiosité naturelle, observe, fasciné, et prend conscience de chacun de ses sens, titillés par les senteurs de djawi, la profusion de couleurs et le crescendo infernal du rythme. L'enfant, par mimétisme, prend pour tambourin un bidon en plastique ou un ustensile de cuisine et s'exerce, inconsciemment à accomplir sa destinée. Peu à peu, les textes des ksayed s'insinuent en lui et creusent jour après jour leur profonde empreinte dans la mémoire du chérubin. «Nous apprenons de façon instinctive, dès notre plus jeune âge», raconte l'un des fils du maâlem, une étincelle de fierté dans les yeux et un large sourire aux lèvres. Cet univers envoûte, appelle et captive l'enfant. Il apprend à manier karkabou et goumbri, comme d'autres jouent aux dinettes ou aux petits soldats. Jusqu'au jour où il touche du doigt le graâl, admis parmi les adultes et autorisé à manier les instruments et réciter les textes. «A partir de l'âge de dix ans, nous sommes incorporés», raconte le maâlem, dans sa tenue traditionnelle aux couleurs chatoyantes. Du bamba à la hawsa, en passant par le bahri, on apprend les noubates par cœur et commencent à les interpréter sous l'œil vigilant des anciens, entre deux cours d'algèbre. «Nous chantons du madih dini. L'une des chansons que nous avons interprétée ce soir était l'histoire d'un esclave qui désire aller visiter La Mecque», explique-t-il. Et on grandit ainsi emporté par le souffle ancestral et mystique du diwane qui devient une composante de la personnalité, un legs, un trésor familial sur lequel on veille jalousement depuis des siècles. «Je n'imagine pas ma vie sans le diwane, elle serait vraiment triste», confie la fille du maâlem, la peau cuivrée rehaussée par une tenue africaine flamboyante. Puis arrive le moment des premières scènes, des premières angoisses, des premiers doutes, face à des amis, des voisins ou un public avide de transe envoûtante, aussitôt résorbé par une présence rassurante, un sourire complice. Sur scène, une explosion d'énergie qui n'a pas laissé le public tlemcénien indifférent. Les rythmes fluctuent et augmentent inexorablement jusqu'à l'extase avant de retomber tout d'un coup et de se faire plus nonchalants. La joie, exaltée sur scène atteint le public qui s'anime sans extravagance.