Le printemps arabe semble s'être répandu à l'Europe de l'Ouest, touchée de plein fouet par la crise économique mondiale. Après l'émergence du mouvement des Indignés en Espagne et la révolte des chômeurs en Grèce, c'est au tour des classes défavorisées de se rebeller violemment contre la cherté de la vie en Angleterre. Les émeutes qui secouent, depuis samedi, Londres ont ainsi fait, hier, leur premier mort. Agé de 26 ans, l'homme avait été atteint lundi alors qu'il se trouvait dans sa voiture à Croydon, dans le sud de Londres. Devenu au fil des jours de plus en plus violents, les troubles se sont par ailleurs étendus la veille à d'autres villes d'Angleterre. Une troisième nuit de violences a poussé le Premier Ministre, David Cameron, à écourter ses vacances, hier, pour annoncer des renforts de police et convoquer le Parlement. La mort, jeudi 4 août, d'un homme de 29 ans, Mark Duggan, père de quatre enfants, tué dans le quartier multiethnique et défavorisé de Tottenham, dans le nord de Londres, par la police qui conduisait une opération contre la criminalité au sein de la communauté noire, semble être l'élément qui a mis le feu aux poudres. La situation a vraiment commencé à se gâter, lorsqu'une centaine de personnes sont sorties dans la rue le 6 août à Tottenham pour demander «justice» après la mort de Mark Duggan. Les événements se sont surtout accélérés le soir, lorsque deux véhicules de police, garés à proximité du commissariat de Tottenham, ont été attaqués, avant d'être incendiés. Un bus à impériale et plusieurs véhicules ont également été brûlés et de nombreux commerces et habitations dévastés par les flammes. De nombreux quartiers de Londres étaient pratiquement paralysés lundi. Les images de jeunes gens masqués pillant des magasins et d'immeubles en flammes sont passées en boucle sur les networks du monde entier pour le troisième jour d'affilée et ont porté un sérieux coup à l'image de marque de l'Angleterre qui doit abriter dans un an les Jeux olympiques. Eu égard à la situation, David Cameron a présidé hier une réunion de crise dans la matinée d'hier. «C'est de la criminalité pure et simple, elle doit être affrontée et vaincue», a-t-il dit quelques heures après son retour «forcé» d'Italie où il passait ses vacances. Le fossé entre les riches et les pauvres «Seize mille policiers seront dans les rues de Londres mardi soir (hier, ndlr) – contre 6000 la veille. Il est clair que nous avons besoin de beaucoup plus de policiers dans nos rues et d'une réponse policière plus vigoureuse», a-t-il annoncé d'un ton ferme. Les parlementaires devront eux aussi interrompre leurs vacances pour une séance extraordinaire demain. La police a tenté, mais en vain durant la nuit de lundi à mardi, de faire régner l'ordre face à des bandes d'émeutiers, qui ont utilisé téléphones portables et réseaux sociaux pour s'organiser. Au plus fort des violences, les pompiers de Londres ont reconnu qu'ils manquaient de véhicules pour éteindre les incendies. Les émeutes ont éclaté essentiellement dans des villes défavorisées, telles Birmingham, Bristol et Liverpool. En raison de ces violences, le match amical de football entre l'Angleterre et les Pays-Bas, prévu aujourd'hui à Londres, a été annulé ainsi que des rencontres de coupe de la Ligue. Les analyses divergent actuellement concernant la raison de cette éruption subite de ces violences, les plus graves depuis des décennies. Alors que la classe politique et la police y voient de la «violence gratuite et du vol opportuniste, ni plus ni moins», les habitants des quartiers concernés et certains commentateurs les attribuent notamment aux difficultés économiques et à la grande fracture qui sépare les riches et les pauvres. De nombreux émeutiers, qui viennent souvent de quartiers où le chômage règne, se disent marginalisés. Cette seconde hypothèse se tient d'autant que le gouvernement britannique ne parvient pas à faire revenir une croissance forte. Autre élément aggravant, il a fait des coupes claires dans les dépenses sociales et augmenté les impôts dans l'espoir de réduire son déficit budgétaire. Jusqu'à présent, David Cameron a résisté aux appels à freiner cette cure d'austérité, qui concerne notamment la politique de la jeunesse. Mais après ces événements, il sera probablement amené à revoir sa politique sociale. Dans le cas contraire, il est pour ainsi dire certain qu'il se retrouvera avec d'autres manifestations dans un proche avenir.