Depuis quelques jours, le drapeau rouge et noir frappé de l'étoile et du croissant flotte au- dessus de l'ambassade de Libye à Alger. Sans annoncer officiellement sa démission et son ralliement au Conseil national de transition (CNT), comme l'ont fait d'autres diplomates libyens dans de nombreux pays, l'ambassadeur libyen en poste à Alger a quitté les locaux de l'ambassade pour s'installer dans une résidence à Alger. A-t-il été placé en lieu sûr par les autorités algériennes après que le personnel de l'ambassade de Libye eut basculé dans le camp du CNT et de la rébellion ? C'est l'hypothèse la plus plausible. Car si le premier responsable de la représentation diplomatique libyenne à Alger avait fait l'autre choix de prendre ses distances avec le régime d'El Gueddafi et de se mettre au service du CNT, la logique aurait voulu qu'il restât à son poste. Ce n'est pas la seule énigme qui entoure la gestion pour le moins opaque du dossier libyen par l'Algérie. En vertu du principe de l'extraterritorialité dont jouissent les représentations diplomatiques, des employés et des diplomates d'une ambassade ont-ils le droit de violer les termes des lettres de créance les accréditant auprès des gouvernements étrangers dont le premier commandement est d'être le représentant d'un Etat, lequel en droit international se définit par rapport à une liste d'attributs constitutifs universels de la souveraineté des Etats ? Le drapeau national constitue un des éléments de cette souveraineté. Selon Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur d'Algérie en Espagne, rien n'interdit à des diplomates de changer le drapeau au niveau de leurs représentations diplomatiques à la condition qu'ils informent le gouvernement du pays hôte, lequel n'a pas juridiquement le droit de s'y opposer. Officiellement, l'Algérie reconnaît toujours la légitimité du régime d'El Gueddafi dès lors qu'elle ne reconnaît pas le CNT, gouvernement provisoire soutenu par une quarantaine de pays, dont des pays arabes et africains. Les autorités algériennes ont-elles été placées devant le fait accompli par le personnel de l'ambassade de Libye à Alger ? La décision de fermer les yeux sur la violation d'un symbole – le drapeau – d'un Etat dûment accrédité sous le prétexte, discutable, du respect du principe sacro-saint de l'extraterritorialité des représentations diplomatiques est-elle une manière pour les responsables algériens de se racheter vis-à-vis du CNT qui les accuse d'avoir choisi le camp d'El Gueddafi ? Encore une fois, l'Algérie, qui a du mal à trouver ses marques dans la gestion politique de ce conflit, préfère s'en tenir à la solution du statu quo : ne rien dire et ne rien faire en attendant de trouver une porte de sortie «honorable» face à l'imbroglio diplomatique dans lequel elle s'est fourvoyée. La Ligue arabe, qui devrait officiellement reconnaître le CNT à l'occasion de la réunion aujourd'hui au Caire au niveau des ministres des Affaires étrangères, vient, d'une certaine manière, au secours des dirigeants algériens qui n'ont plus désormais d'autre choix que de reconnaître à leur tour le CNT. Mais cela ne dédouane pas pour autant l'Algérie aux yeux de l'opposition libyenne qui l'accuse de duplicité avec le régime d'El Gueddafi. Confronté à un problème diplomatique similaire de ralliement du personnel diplomatique libyen au CNT, le gouvernement zimbabwéen n'a pas hésité à expulser l'ambassadeur libyen à Harare, justifiant sa décision par le fait que le «CNT n'est pas représenté» dans ce pays. Les Etats ne sont-ils pas soumis partout dans le monde aux mêmes règles et usages diplomatiques ? La diplomatie est-elle au service de la politique du pays ou du politique ?