A la surprise même des officiers du groupe d'intervention dépêché mercredi dernier à Brida, les moyens mobilisés étaient exagérés par rapport à la situation que l'on voulait contenir. Arrivés sur les lieux, les éléments de la gendarmerie, quoique embarrassés, procédèrent à l'arrestation de plus de 57 personnes dont trois élus, à l'emporte-pièce et sur la base de listes préalablement établies. Contrairement aux rumeurs qui faisaient état de l'incendie des rares édifices publics dont dispose ladite commune, il y a eu tout juste quelques jets de pierres et des coups de matraque, les personnes arrêtées n'ayant opposé aucune résistance. « On ne déplore aucun blessé. Il n'y a pas de dégâts matériels, pas même une seule lampe cassée », affirme un officier supérieur qui s'occupait à rassurer les parents des personnes arrêtées. Seul le recours des protestataires à la fermeture des édifices publics, des écoles et la menace de la fermeture de la route nationale menant à El Bayadh semble justifier la présence des gendarmes qui ont vite fait de se cantonner au sein du lycée. Depuis, les citoyens de tout âge observent un sit-in dans une placette loin de la route nationale, loin des regards. Tout a commencé mardi dernier. Après une trêve de courte durée, face au refus des autorités de répondre aux doléances des élus qui réclamaient le départ du maire, les associations ont pris le relais des protestations qui durent depuis plus de cinq mois, en vain, et ont fermé le siège de l'APC. Le lendemain, des délégués ont pris langue avec le chef de daïra et exigé la présence du wali, sinon une commission, « autrement nous fermerons la route nationale », ont-ils menacé. Auparavant, on avait fait sortir les élèves des établissements scolaires et fermé l'ensemble des édifices. « Nous nous préparions à recevoir une commission. Nous avons même pris le soin de désigner deux familles pour préparer le repas des hôtes et c'est aux forces d'intervention qu'on a eu droit. », affirme-t-on. « C'est injuste que nos enfants soient emprisonnés parce que nous refusons tout simplement le maintien d'un maire qui nous est imposé et dont personne ne veut », dira la mère d'un détenu. Un élu enchaîne : « Que serait-il arrivé si le maire en question était issu d'une formation autre que le RND ? » « MAUVAISE GESTION » Ni la crédulité feinte des Hmaza, encore moins la ruse qui leur est reconnue ne suffiront cette fois-ci pour obtenir la libération des trois élus d'entre les sept que compte l'APC. Jeudi dernier, à une heure tardive, au tribunal d'Aflou territorialement compétent, les magistrats en charge du dossier des 57 personnes interpellées mercredi ont mis trois élus sous mandat de dépôt et relaxé les 54 autres, dont huit mineurs, qui seront cités à comparaître le 28 du mois en cours, selon la procédure de citation directe pour atteinte à l'ordre public et autres griefs. Ces personnes ont été arrêtées suite à l'intervention des éléments de gendarmerie réquisitionnés par l'autorité administrative pour parer au risque supposé de dérapage des protestations continues depuis plus de cinq mois pour obtenir le départ du maire. M. Hakmi, qui doit sa désignation comme maire au seul critère d'âge, est décrié tout autant pour la marginalisation des autres élus que parce qu'il est analphabète, de surcroît issu des Ouled Ziad, minoritaires.« Il n'en fait qu'à sa tête et il ne nous fait pas confiance à tel point que, lors de son congé, il n'a même pas désigné d'intérimaire ». « Pis, il a procédé à l'annulation de l'ensemble des délibérations adoptées en son absence et se refuse de signer des factures datant de l'ex-assemblée, sans parler des projets en souffrance. Il freine tout », affirme-t-on. Les détracteurs du maire, dont les élus qui se gardent de l'accuser de malversation, justifient le recours au retrait de confiance par la seule mauvaise gestion. En effet, au cours du mois de septembre 2005, six élus sur les sept que compte l'assemblée ont remis aux autorités une délibération de retrait de confiance assortie d'un PV d'installation d'un nouvel exécutif. Interpellée, l'administration, à sa tête le wali, s'est refusée à maintes reprises de répondre positivement aux requêtes des élus, s'appuyant sur des rapports d'enquête qui confortent « l'intégrité reconnue de l'élu ». Depuis, les élus ont multiplié en vain les actions pour obtenir gain de cause : fermeture du siège, sit-in, boycott de l'assemblée... Irrité par le recours abusif à la fermeture du siège de l'APC et aux protestations cycliques, le wali avait menacé lors de la dernière session de l'APW de recourir à la force publique pour permettre au maire d'accéder au siège de l'APC avant de se résoudre à laisser faire des élus de l'APW (MSP) qui ont proposé leurs services pour un règlement à l'amiable, ce qui fut obtenu bien que la trêve fut de courte durée. La fermeté de l'administration pour paradoxale que cela puisse paraître, s'agissant d'une commune où les enjeux sont dérisoires, s'explique davantage par le souci d'éviter de créer un précédent, un exemple à suivre pour les communes où prévalent des situations similaires. Prudent et résigné, le maire qu'on a rencontré au sortir du tribunal se refusera de dire quoi que ce soit. Les rares personnes qui le soutiennent nous confierons que « le seul reproche qu'on peut faire à Si Khaled, c'est qu'il a fermé les vannes et se refuse à se compromettre avec des personnes motivées par leurs appétits ». Moralité, on aura tout le mal du monde à justifier la démesure de l'action pour une émeute qui n'a pas eu lieu, et en raison de la discorde entre élus qui se disputent le droit de pouvoir conduire le véhicule du maire, alors que des écoliers sont transportés par tracteurs et par camions à ordures. A Brida, quelques coups de matraque ont suffi à ce que la colère entretenue se dissipe pour s'évanouir dans le regard hagard de l'armée de chômeurs qui peuplent ce chef-lieu de daïra, créé depuis plus de vingt ans, mais qui dispose à peine des moyens propres à une commune.