Même en évitant de répondre aux questions liées à la situation en Libye, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, n'a pu s'empêcher d'exprimer la crainte de l'Algérie et des pays de la région du Sahel sur la circulation des armes et «le retour massif» de personnes en provenance de la Libye, vers leur pays d'origine. En effet, lors d'une conférence de presse animée hier en prévision de la tenue, à Alger, d'une conférence sur le partenariat, la sécurité et le développement dans les pays du Sahel (Algérie-Mali-Niger-Mauritanie), le ministre reconnaît que la crise libyenne a créé «une nouvelle situation qui peut avoir des répercussions» négatives sur la sous-région. Il cite «la circulation des armes, mais également le retour massif des personnes qui travaillaient en Libye, vers leurs pays respectifs qui, faut-il le préciser, n'ont pas les moyens de les prendre en charge. Ce qui constitue une menace supplémentaire et une nouvelle source de préoccupation pour les Etats du Sahel». Interrogé sur l'éventuelle fermeture de la frontière avec la Libye, le ministre n'a pas été tranchant. Il s'est contenté de dire : «Des moyens ont été mis en place pour assurer la sécurité de nos frontières.» Il explique que l'Algérie «suit avec attention ce qui se passe en Libye et attend que ses institutions soient mises en place pour qu'elle puisse rejoindre sa place dans la lutte contre le terrorisme». Pour lui, la conférence à Alger, les 7 et 8 septembre, est très importante de par le nombre de participants, mais également leur qualité. Il s'agit, selon lui, des ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger, de la Mauritanie et de l'Algérie, ainsi que des représentants des bailleurs de fonds, des Etats membres du Conseil de sécurité de l'ONU, du Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert), ceux de l'EMOC (Etat-major opérationnel conjoint) de Tamanrasset, et de l'Unité fusion et liaison (UFL) basée à Alger et chargée de la collecte et d'échange de renseignements sur la région du Sahel et des experts de la lutte contre le terrorisme des pays participants. 38 délégations attendues à Alger Consacrée au partenariat dans le domaine du développement et de la sécurité, cette rencontre «de haut niveau et exceptionnelle», à laquelle prendront part les 38 délégations invitées entre partenaires régionaux et extrarégionaux, a été décidée, le 20 mai dernier à Bamako, lors de la réunion interministérielle, rappelle le ministre délégué. «Cela a permis d'asseoir une coopération au niveau politique, militaire, du renseignement et du développement régional. L'objectif de la Conférence d'Alger est de construire des synergies entre les partenaires des pays de la région, après avoir concentré les différentes réunions restreintes précédentes à l'harmonisation de nos positions, de nos repères en termes d'analyse et de notre volonté de travailler aux plans national et sous-régional et les débats entre nos pays ont suscité la nécessité d'élargir le dialogue et la concertation à d'autres pays et organisations extra-africaines». Il est question, relève M. Messahel, de focaliser sur les trois menaces qui pèsent sur les pays du Sahel, à savoir le terrorisme, le crime organisé et le trafic de drogue, «dont les collusions ne sont plus à démontrer». Selon le ministre, «il est attendu la contribution importante des experts de nos partenaires». Ces derniers ont d'ailleurs montré une volonté réelle d'accompagner la région dans sa stratégie de lutte contre les menaces et qui repose essentiellement sur trois volets : la formation, l'équipement et l'échange d'informations et le développement. A propos du rôle de l'Algérie, il affirme : «Tout le monde sait que l'Algérie occupe une place centrale dans cette lutte, vu son expérience et sa contribution à la conceptualisation même des stratégies de lutte contre le terrorisme à travers les organismes internationaux.» Par ailleurs M. Messahel reconnaît les difficultés rencontrées par l'Algérie, pour faire accepter le principe de l'appropriation de lutte, sans pour autant s'opposer à la coopération et à l'entraide. Interrogé sur les ingérences de certains pays, notamment la France et les USA, le ministre délégué évite d'être précis. Il déclare : «Nous sommes dans une région où il y a effectivement une menace. Il est évident que nos partenaires s'intéressent beaucoup à l'Algérie et à son expérience en matière de lutte antiterroriste, qu'ils veulent partager, d'autant qu'ils trouvent en notre pays un partenaire sérieux.» Il qualifie la stratégie (de lutte contre le terrorisme), mise en place par les pays du Sahel «d'efficace», arguant du fait que «les terroristes d'AQMI éprouvent des difficultés à se déplacer dans la région». Le ministre délégué revient sur la coopération internationale, en annonçant la mise en place prochaine d'un Forum mondial de lutte contre le terrorisme composé de 35 pays, dont l'Algérie, et qui tiendra sa première réunion le 21 septembre à New York. Selon lui, les membres de ce forum «ont tous des capacités et des expériences capables de contribuer à l'éradication du fléau du terrorisme». Abordant la question relative aux difficultés à trouver un consensus autour de la définition du terrorisme, M. Messahel dira : «Même si les Nations unies butent, depuis des années, sur la définition du terrorisme, cela ne les avait pas empêchés d'avoir une architecture mondiale de lutte contre ce fléau.» Interrogé sur la situation au nord du Mali, notamment depuis la mort de l'ancien chef rebelle Brahim Ag Bahanga, et la menace du retour à la rébellion brandie par ses proches ayant pour origine le non-respect de l'Accord d'Alger par Bamako, il dira : «Le Mali est un pays frère qui est conscient de la situation et des menaces qui pèsent sur la région. Il a exprimé sa volonté de lutter contre le terrorisme, et reste conscient des nouvelles menaces, comme le retour massif des travailleurs maliens de Libye, dont la prise en charge constitue une charge supplémentaire.» Harcelé par des questions sur la venue en Algérie des membres de la famille d'El Gueddafi, M. Messahel lancera : «La position de l'Algérie a été exprimée par le ministre des Affaires étrangères à Paris. Je n'ai rien à ajouter.»