Octobre noir dépasse largement le cadre des évènements d'Octobre 1961 et interroge la violence d'Etat et la mémoire spoliée. Daeninckx et Mako signent un ouvrage à la fois bouleversant et réparateur. Au nom de Fatima. La censure officielle perdure encore, l'accès aux archives est toujours aussi restrictif. Didier Daeninckx se bat depuis très longtemps contre l'amnésie érigée en politique mémorielle. Et la bande dessinée peut être un bon moyen pour accéder à cette page sanglante, enfouie sous le tapis de la France pays des droits de l'homme. Paris, 17 octobre 1961. La Fédération de France du FLN appelle la communauté algérienne à manifester pacifiquement. Maurice Papon, préfet de police de Paris, ordonne un couvre-feu qui s'applique aux seuls Français musulmans. La chasse au faciès peut commencer. C'est dans ce cadre que les auteurs plantent leur histoire. Vincent-Mohand, les déchirements du personnage. Vincent, chanteur dans un groupe de rock, s'appelle Mohand dans le civil. Le soir du 17 octobre, Vincent-Mohand est partagé entre un concert et son désir de soutenir son peuple en manifestant à l'appel du FLN. Finalement, il rejoint son groupe. A la fin du concert, une guerre l'attend dehors. De retour chez lui, il apprend que sa sœur Khelloudja a disparu. Commence alors une quête qui révèlera la violence de la répression de la manifestation. A travers cette intrigue, on entre dans un système inégalitaire, cynique où la révolte ne cesse de gronder. «J'avais 10 ans. Devant moi, un homme marche sur le trottoir au milieu d'hommes (…) Plus loin, deux policiers immobiles scrutent les visages. Ils arrêtent l'homme, fouillent son sac sans ménagement. L'homme baisse la tête et se laisse bousculer sans réagir. L'un des policiers le palpe, ouvre sa veste, soulève le chandail puis ses mains descendent, desserrent la ceinture. Le pantalon tombe aux pieds de l'homme pétrifié. Des gens rient, d'autres baissent la tête à leur tour. Je n'ai jamais oublié cet Algérien inconnu, pas plus que l'humiliation, l'impuissance qui nous rendaient solidaires», témoigne Didier Daeninckx qui dédie ce livre à Fatima Bédar, une victime de la «ratonnade» organisée par Maurice Papon. Le dessinateur Mako a choisi les couleurs sombres comme pour obscurcir encore plus la terrible nuit. Selon les historiens, on compte aux alentours de 100 à 200 morts et disparus et 2300 blessés.