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L'école à la veille d'un nouveau fiasco ?
Education
Publié dans El Watan le 17 - 01 - 2006

Depuis le début de l'application à la hussarde de la réforme scolaire, j'ai attendu en vain l'ouverture d'un débat intra-muros sur celle-ci. Aujourd'hui encore, force est de constater que l'enseignant n'est que l'exécutant bête et discipliné d'une tâche programmée ailleurs, loin de la sphère éducative.
Quant aux parents d'élèves, ils ne sont pour nos gouvernants que de simples pourvoyeurs de sujets à transformer en zombis dans les établissements de la République. Là, s'arrête leur contribution pour l'école. Quant à les faire participer à l'élaboration d'un système éducatif pour leurs enfants, cela attendra le jour béni où nos tuteurs bienveillants proclameront notre majorité. Face à cette situation de black-out total sur la réforme engagée par les pouvoirs publics, il ne me reste plus alors que la presse écrite pour exprimer a posteriori sur les bribes de réformes injectées par doses homéopathiques, mon avis en ma qualité d'enseignant et a fortiori en tant que parent d'élève soucieux de l'avenir de mes enfants. Je voudrais, par cet article, profiter de l'aubaine offerte à ses lecteurs par le journal El Watan qui a généreusement ouvert ses colonnes à tous ceux qui se sentent interpellés par ce sujet pour exposer mon avis tout en espérant attirer par la même l'attention des décideurs de notre pays que désigne le ministre de l'Education, me semble-t-il, lorsqu'il affirme, dans l'une de ses interventions rapportées par le journal El Watan du 27 décembre 2005, que la satisfaction de certaines revendications des syndicalistes ne relevait pas de ses prérogatives. Si j'ai choisi ce mode de communication c'est aussi parce que j'ai eu par le passé à rédiger, sur un sujet très grave, un rapport que j'ai adressé au ministre de l'Education nationale par courrier, en retour duquel, au lieu de recevoir une réponse sur les questions que j'ai soulevées, j'ai écopé d'un blâme pour non-respect de la voie hiérarchique. Cette fois, si je dois en écoper un autre que tout le monde en connaisse la raison. Une question lancinante me taraude l'esprit : « Monsieur le ministre, vous arrive-t-il de vous demander quelle image se font de vous les travailleurs de vote secteur ? » Il est vrai, comme le dit l'adage, qu'on ne dit jamais au lion : « Votre haleine est fétide ». Je me permettrais pourtant, quitte à recevoir ses foudres, de lui dire certaines vérités si tant est qu'il ne les connaissent pas. Dans notre pays, ce qui caractérise en premier les responsables à tous les niveaux de la hiérarchie, c'est leur arrogance à l'égard de leurs administrés. Lorsqu'il daigne recevoir son administré, l'administrateur le fait avec une telle condescendance que le pauvre administré perd à jamais l'envie de remettre les pieds dans une administration quitte à faire table rase de toutes ses revendications. Je caricature peut-être un peu mais la réalité n'est pas très loin pour ceux qui ont eu à braver la jungle de l'administration algérienne. Mais peut-on vraiment, sans porter atteinte au fonctionnement d'ensemble d'un pays, gouverner avec arrogance ? Il est aisé de connaître la réponse, il suffit juste d'ouvrir les yeux pour voir le désastre auquel les dirigeants de notre pays nous ont menés. N'était cette manne pétrolière, nous ressemblerions à l'un de ces pays subsahariens ou de ceux du Sud-Est asiatique. Pour revenir à la réforme scolaire, toute voix discordante à propos de son contenu ou de son application telle qu'elle est menée aujourd'hui est assimilée à de la trahison. A les entendre pérorer sur leurs choix, on croirait nos gouvernants imbus de la science infuse. Pourtant, l'épisode fâcheux de la réforme de 1976 qui n'a pas encore fini de livrer au pays des analphabètes trilingues est on ne peut plus éloquent pour ébranler leurs certitudes et atténuer leur jubilation excessive. Cette nouvelle réforme scolaire ne pousse pas à l'optimisme, loin s'en faut, et pour plusieurs raisons :
1) C'est une réforme sans concertation
Comment peut-on prétendre vouloir instaurer dans l'école algérienne l'approche par compétences sans concertation aucune avec les membres de la communauté éducative dont le corps enseignant n'est pas des moindres, alors que cette approche préconise justement l'établissement de contrats dûment négociés - pour utiliser le jargon du secteur économique auquel cette méthode pédagogique est empruntée - par tous les partenaires de l'école ? D'autant plus que celle-ci (cette approche) s'inscrit dans un cadre plus large qui est celui du projet d'établissement. Telle qu'elle est présentée, la nouvelle réforme inspire le respect tant elle semble émaner de savants érudits très au fait de la chose pédagogique, maîtrisant parfaitement le lexique pléthorique de celle-ci ainsi que les soubassements scientifiques qui la sous-tendent. Mais qu'en est-il des enseignants qui sont les premiers concernés du fait de leur proximité avec les apprenants ? C'est au-dessus de leur tête qu'est suspendue l'épée de Damoclès qui risque en cas de nouvel échec de la recevoir comme c'est le cas aujourd'hui après tant d'années de tergiversations et de fuites en avant des responsables au sommet de l'Etat. En effet, pour le commun des Algériens, si l'école est sinistrée c'est bien la faute aux enseignants, comme le suggèrent d'ailleurs les propos insidieux de certains pontes de l'éducation nationale. Ils sont devenus en quelque sorte, pour les parents d'élèves en situation d'échec scolaire, les victimes expiatoires sur lesquelles ils déversent tout leur fiel afin d'apaiser leurs rancœurs et justifier l'échec de leur progéniture. Il n'est pas de mon intention de disculper totalement les enseignants, ils ont leur part de responsabilité. Cependant, sont-ils pour autant plus à blâmer que les concepteurs eux-mêmes du système éducatif ? Je ne le pense pas. Car bien des volontés se sont échinées à réduire les inepties de ce système, ils ne l'ont pu que de façon très imperceptible, car les gardiens du temple veillent : personne ne doit dévier de la voie tracée par le gourou concepteur du système éducatif ! Si vraiment les dirigeants de notre pays veulent aller à une véritable refonte de notre système éducatif, ce dont je doute très fortement, ils ne peuvent plus alors continuer à mépriser les enseignants. Ils doivent se rendre à l'évidence qu'il ne peut y avoir de réforme sans la participation des enseignants à l'élaboration des programmes, encore moins sans leur adhésion volontaire à celle-ci. S'ils consentent déjà à considérer par hypothèse que l'approche par compétence est la panacée de l'échec scolaire en Algérie, il faut au moins, en aval, qu'on leur permette de participer à des regroupements pédagogiques et cela avant la fin de cette année scolaire, lors desquels ils auront la possibilité d'abord de se familiariser avec le contenu notionnel de cette « nouvelle » approche dont ils ne connaissent presque rien, ensuite de pouvoir émettre des avis sur l'application de celle-ci sur le terrain. Sinon, comme le reconnaît Philippe Perrenoud, lui même, « une approche par compétences n'existant que dans les textes ministériels, à laquelle nombre d'enseignants n'adhéreraient pas, rendrait les règles du jeu scolaire encore plus opaques et les exigences des professeurs encore plus diverses, les uns jouant mollement le jeu de la réforme, les autres enseignant et évaluant à leur guise ».
2) Les moyens matériels sont inexistants ou vétustes
Peut-on concevoir l'approche par compétences dans l'état matériel actuel de nos établissements scolaires ? La réponse est évidemment non. La première des conditions pour que cette approche soit efficace est de réduire le nombre d'élèves par classe. Cela ne se fera certainement pas par l'exclusion de l'excédent, ce qui serait contraire au principe de démocratisation de l'école dont se targue cette approche. Cela passera donc inévitablement par l'extension du nombre de classes qui ne doivent contenir guère plus de 25 élèves pour permettre aux enseignants la pratique de la pédagogie différenciée et la réalisation de travaux de groupes. Or, le déficit est tel que son comblement, à court ou à moyen termes, me semble impossible. A supposer même que nos dirigeants aient la volonté et les moyens de surmonter cet obstacle, seront-ils prêts à recruter à tour de bras enseignants, administrateurs et agents des corps communs ? En ne prenant comme exemple que le lycée où j'exerce actuellement, le doute est permis. En effet, deux de mes collègues, professeurs de philosophie, travaillent chacun six heures supplémentaires par semaine, et en dépit de la ténacité de notre proviseur qui n'a eu de cesse de harceler l'académie de Tizi Ouzou de demandes d'ouverture d'un nouveau poste budgétaire, celle-ci est restée totalement sourde à son appel. Pourtant la réglementation en vigueur prévoit l'ouverture d'un poste budgétaire lorsque le nombre d'heures supplémentaires réalisées dans une même discipline est supérieur ou égal à dix. Alors vous comprenez bien que j'émette quelques doutes sur la volonté de nos responsables à répondre favorablement aux exigences inhérentes à cette réforme. Sur un autre plan, les chefs d'établissement seront-ils capables, de faire face, avec le peu de moyens dont ils disposent, aux différents chantiers qui s'ouvriront dans le sillage de l'application du projet d'établissement sachant que le mobilier, l'immobilier et le matériel didactique dont disposent nos établissements ont atteint un stade de vétusté très avancé ?
3) Le nouveau système d'évaluation est irréaliste
Je ne m'intéresserai qu'à l'évaluation du français en première année secondaire lettres et cela sur deux volets : l'horaire imparti aux évaluations et la charge de travail qui en découle pour le professeur. Dans le nouveau système d'évaluation, il est exigé du professeur pour calculer la moyenne trimestrielle de noter sur 20 l'évaluation continue, c'est-à-dire de réaliser au moins trois évaluations, puis de noter sur 20 chacun des deux devoirs surveillés obligatoires pour comptabiliser une note des devoirs sur 60, ensuite d'additionner cette note avec celle de la composition qui, elle, est notée sur 40. La somme obtenue est alors divisée par 5 pour obtenir une moyenne générale de la discipline sur 20. Si on fait le calcul du nombre d'évaluations réalisées pendant le trimestre, on en obtient alors un minimum de six. Ces six évaluations requièrent un minimum de six séances d'une heure chacune auxquelles il faut ajouter autant pour les corrections. En multipliant le résultat obtenu par trois (le nombre de trimestres dans l'année) on obtient alors 36 heures qu'il faut déduire des 116 heures imparties théoriquement à la classe de lettres. Il ne restera alors que 80 heures effectives de cours encore que les jours fériées, les absences inopinées du professeur et les aléas climatiques des régions montagneuses ne sont pas pris en compte dans ce calcul. Or, si je me réfère au document d'accompagnement du programme destiné aux enseignants, « une séquence peut s'étendre sur une dizaine d'heures », et le nombre de séquences étant de 12, alors le nombre d'heures nécessaires à la réalisation du programme de 1re AS lettres est d'environ 120 heures. cette démonstration succincte nous révèle un manque à gagner pour l'élève d'environ 40 heures de cours, ce qui représente à peu près la moitié des cours prévus en 1re AS. C'est autant de pré-requis qu'il ne pourra pas mobiliser en 2e AS. Concernant la charge de travail induite par ce système d'évaluation, elle ne peut-être qu'insurmontable pour l'enseignant. En effet, si on ne tient compte que de ces 18 évaluations sommatives par année citées plus haut, l'enseignant aura un minimum d'une évaluation à corriger toutes les deux semaines. En considérant qu'il a 5 divisions pédagogiques de 40 élèves en moyenne chacune, il aura alors à corriger un nombre effarant de 200 copies toutes les deux semaines. A cela, il faut ajouter les évaluations formatives qui jalonnent la séquence et qui requièrent une attention particulière de sa part, car il doit analyser les erreurs commises par les élèves, en décrypter les causes, puis envisager une stratégie adéquate à même de les amener à remédier leurs erreurs. Dans ces conditions, le ministre de la Santé sera bien avisé de prévoir l'ouverture de nombreux asiles d'aliénés.
4) Le ministre de l'Education nationale accuse un énorme déficit de communication
John Dewey, un des inspirateurs de nos réformateurs, considère que l'école ne peut être dissociée d de la société ; (voir projet d'établissement édité par le centre national de documentation pédagogique en 1999). Ce principe fondamental sur lequel s'appuie l'approche par compétences aurait dû constituer la base de toute la stratégie d'intégration de la nouvelle réforme scolaire. L'ouverture d'un débat national tous azimuts à la Télévision nationale, à la radio et dans la presse écrite aurait permis à chacun de s'imprégner de ces nouveaux concepts et de réfléchir à son adaptation à la réalité socioculturelle et économique de notre pays. Des colloques, des séminaires auraient pu réunir ensemble, spécialistes et enseignants pour finaliser le projet. Des brochures, des dépliants expliquant que l'implication de chacun dans l'application de la nouvelle réforme est un gage de réussite de celle-ci, devaient être distribués à grande échelle. Chaque Algérien se serait alors senti investi d'une mission d'envergure nationale et aurait consenti à apporter de bon gré sa contribution. Rien de tout cela malheureusement. Notre ministre de l'Education ne sait communiquer que par circulaires truffées d'injonctions. Lorsqu'il lui arrive de s'exprimer oralement, c'est uniquement pour lancer des menaces à l'encontre de tous ceux qui auraient l'intrépidité de le ... contredire. Ses dernières sommations fracassantes, que ce soit à l'égard des chefs d'établissement qu'à l'égard de l'intersyndicale, sonnent le glas d'une réforme annoncée à l'aube même de son application. Refuser de dialoguer avec les véritables représentants des travailleurs de l'éducation, quand bien même ne seraient-ils pas agréés, est en soi un rejet d'un des fondements de l'approche par compétences. Bien que n'appartenant à aucun des syndicats constituant l'intersyndicale, je me ferai un devoir de suivre son mot d'ordre de grève pour défendre le droit au pluralisme syndical et le droit de grève garanti par la Constitution. En guise de conclusion, je dirais à nos gouvernants que s'ils veulent du bien à ce pays meurtri, qu'ils cessent de le gérer par injonctions et qu'ils desserrent un peu leurs mâchoires, nous ne les respecterons que davantage.


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