Le 4e art retrouve ses lettres de noblesse. Plus de 700 spectateurs assistent chaque soir aux représentations théâtrales. Béjaïa est manifestement en passe de reconquérir son statut de pôle culturel du pays. Après le Festival de la chanson kabyle, la perle du Maghreb obtient également la domiciliation définitive du Festival international du théâtre professionnel. Son institutionnalisation dans l'ex-capitale du savoir et de la culture a été annoncée solennellement par Mme Saâda, la représentante du ministère de la Culture, dans le discours prononcé, dimanche soir, lors de la cérémonie de clôture de la 3e édition du Festival. L'un des éléments essentiels qui a visiblement concouru à ce choix, est sans conteste la réussite de la manifestation sur le plan de la reconquête du public qui, triste constat, ces dernières années, boudait les représentations même jouées sans billetterie. Lors de ce festival, la symbiose avec le public obtient la note de 10/10, estime Omar Fetmouche, directeur du TRB. Il étaye cette réconciliation du théâtre avec son public par le fait que la salle du TRB a fait salle comble à chaque pièce produite. On a compté jusqu'à presque 700 spectateurs chaque soir dans une salle dont la capacité ne dépasse pas les 400 sièges. Un public béjaoui qui a, de plus, montré un sens non profane du théâtre, de l'avis des comédiens étrangers présents. Ils ont particulièrement apprécié la convenance du silence et les ovations, alors que les langues usitées allaient de celles d'El Moutanabi à celles de Descartes, de Brecht… et à la «dardja» algérienne. Autre signe révélateur, le 4e acte est réussi : nombre de spectateurs restaient longtemps dans le hall, bien après la représentation à commenter les œuvres produites. Sur le plan local, le festival permet de tirer vers le haut le niveau professionnel des comédiens de Béjaïa, 97% des jeunes, formés lors du stage assuré en parallèle, jouent dans des troupes de la région. Une deuxième session est encore prévue pour février prochain, avec les mêmes formateurs étrangers. M. Fetmouche fera aussi un bilan des colloques «très actifs» qui ont touché en profondeur les problématiques liées à diverses formes de productions : la «halqa», le «medah», le «goual»… Il cite particulièrement la teneur de la conférence animée par Waciny Laredj, qui a effectué un diagnostic exhaustif. Le Festival de Béjaïa a réussi la prouesse de produire plus de 20 spectacles au niveau de la grande et de la petite salles du TRB et à la maison de la culture. 13 pays y ont participé. Cependant, si des compagnies ont été au rendez-vous, à l'exemple des troupes égyptienne, allemande, marocaine et tunisienne, certains spectacles manquaient de qualité requise pour être sélectionnés à un festival qui se veut de cette envergure. Du pain donc sur la planche pour l'encadrement de la prochaine édition. Au niveau de la scénographie, les Egyptiens et les Allemands en ont tracé les standards. Autre enseignement, le théâtre revient beaucoup plus à une inspiration à partir de situations socioculturelles et politiques de l'heure. Le théâtre arabe, notamment, aura beaucoup mis en scène des situations nées de ce qui prévaut actuellement dans leur quotidien. C'est d'ailleurs un hommage vibrant qui a été rendu posthume au dramaturge irakien, Kassim Mohammed. La distinction remise à sa veuve a été suivie par un coup de projecteur sur les planches irakiennes. Après la pièce jouée pour le même hommage par la troupe du Théâtre régional de Batna, El Hallaj, du réalisateur Hider Ben Hocine… Extinction des lampions. Autre fait notable, selon M. Fetmouche, il a trait à l'hospitalité des Béjaouis. Les participants étrangers ont fait le constat de ville ouverte et tolérante. Une image qui sied à la renommée de Yemma Gouraya comme étant une contrée ayant longtemps fait office de comptoir de passage.