Les réformes politiques et les perspectives de «démocratisation» en Algérie – conjoncture régionale oblige – seront à l'ordre du jour des discussions entre le gouvernement et la délégation de parlementaires européens en visite en Algérie à partir d'aujourd'hui. Composée de huit parlementaires, la délégation aura des discussions avec le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Une occasion pour passer au crible, essentiellement, les réformes politiques engagées par le pouvoir de Bouteflika. Alger, beaucoup plus sensible aux «objections» venant de l'extérieur qu'aux aspirations exprimées par l'opinion nationale, tentera de convaincre les parlementaires européens du bien-fondé de sa démarche réformatrice. Pas si simple. Les députés européens, issus de groupes politiques divers et dont trois sont originaires d'Algérie – Malika Benarab-Attou (Europe écologie les Verts), Kader Arif (Alliance progressiste des socialistes) et Torkia Saïfi (Parti populaire européen) – ne cachent pas, du moins pour certains d'entre eux, leur scepticisme quant à la volonté du régime algérien d'aller vers de réelles réformes politiques, les plus à même de placer l'Algérie sur la voie démocratique. «J'ai bien peur que le régime algérien rate le coche de la démocratisation», estime Malika Benarab-Attou (lire l'entretien). Il est vrai qu'entre Alger et Bruxelles, les rapports sont souvent «bons». Les conditionnalités liées au respect des droits de l'homme, tel que consigné dans l'Accord d'association en vigueur depuis 2005, s'effacent devant la raison d'Etat. Les gouvernements occidentaux, pour obtenir des faveurs économiques, «passent sous silence» les exigences démocratiques. Nouvelle séquence historique Les questions des libertés sont vite oubliées devant les intérêts des Etats. Mais les temps commencent à changer et, depuis que le Monde arabe est entré dans une nouvelle séquence historique à la faveur des «révolutions», les Etats sont soumis à l'épreuve citoyenne. Désormais, les peuples se battent pour reprendre leur destin en main. Ainsi, les eurodéputés, très «regardants» sur les questions des droits de l'homme et des libertés politiques, à l'occasion de leur séjour en Algérie, vont s'entretenir avec les militants des droits de l'homme, des dirigeants de partis politiques et d'organisations non gouvernementales, ainsi qu'avec des journalistes pour avoir un autre son de cloche. De nombreuses franges de la société aspirent à un changement démocratique et social. Un désir que la classe dirigeante s'emploie à repousser par des «réformes politiques» qui n'ont pour finalité que le recyclage du système du pouvoir. Une manœuvre qui mettrait l'Algérie en dehors du temps et de l'histoire qui se remet en marche dans la région. Si l'on estime, à tort au à raison, mais souvent à tort, que l'Algérie est un cas particulier, il n'en demeure pas moins que le pays n'est guère à l'abri d'une tempête politique. Les conquêtes démocratiques des peuples de la région exigent impérieusement des tenants du pouvoir un minimum de lucidité pour engager l'Algérie sur la voie de la construction démocratique. Toute perte de temps risque d'être très coûteuse pour le pays.