Dès son arrivée au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika a bloqué l'émergence de nouveaux partis, syndicats ou associations d'envergure nationale. Il avait, durant la campagne présidentielle, critiqué, sur un ton qui rappelait l'esprit du parti unique des années 1970 avec lequel il s'était adapté, le pluralisme en Algérie. Il ne trouvait aucun aspect positif à cette «ouverture». En privé, avec ses amis, ceux qui partagent ses opinions, l'ancien ministre des Affaires étrangères du colonel Houari Boumediène disait que les Algériens n'étaient pas… prêts pour la démocratie. Un discours recyclé en boucle depuis par les relais traditionnels d'El Mouradia. A défaut de revenir à la dictature, Bouteflika décidait du verrouillage du paysage politique : suspension de l'agrément aux partis, contrôle du FLN, renforcement de l'UGTA, ex-syndicat unique, diabolisation des syndicats autonomes, caporalisation de la société civile, fermeture totale de la télévision et de la radio… L'Alliance présidentielle, composée du FLN, du RND et du MSP, fut, par conséquent, imposée à la scène nationale comme un néo-parti unique. Preuve en est, toutes les élections organisées ces dix dernières années ont été «remportées» par cette Alliance. Implicitement, la loi sur les partis a été mise entre parenthèses, en ce sens que le non-agrément de nouveaux partis par le ministère de l'Intérieur est illégal. Toutes les explications données par Noureddine Zerhouni, ex-ministre de l'Intérieur, et par son successeur, Daho Ould Kablia, pour justifier l'interdit s'inscrivaient dans «une zone» de non-droit. Pourquoi donc proposer une nouvelle loi sur les partis alors que celle déjà en cours n'a pas été appliquée comme il le faut ? Daho Ould Kablia a indiqué que la nouvelle loi vise «l'approfondissement du processus démocratique». Comment approfondir un «processus démocratique» alors qu'on avait empêché par le passé les Algériens de créer de nouveaux partis ? Les observateurs avertis relèvent que la société algérienne n'a, à aucun moment, revendiqué la révision de la loi sur les partis, ni celle sur les associations ou sur le régime électoral. Comme «les réformes politiques» étaient dans «l'air» du temps, il fallait bien mettre quelque chose dans le sac pour qu'il soit plus lourd ! Les Algériens ignorent à ce jour le contenu du rapport élaboré par la commission Abdelkader Bensalah qui a mené «les consultations» politiques en mai-juin 2011. Un rapport remis au chef de l'Etat. Un processus de réforme ne peut être crédible s'il est entouré d'opacité, d'absence de débats libres. «Il existe cinq ou six partis politiques qui peuvent remplir les conditions pour l'obtention d'un agrément, même si nous n'avons pas encore étudié leurs dossiers», a déclaré le ministre de l'Intérieur. S'agit-il d'une volonté de limiter, une fois encore, l'évolution du champ politique dans le pays ? Sinon, comment expliquer cette autre déclaration de Daho Ould Kablia : «Une quarantaine qui, non seulement, ne remplissent pas les conditions mais n'ont pas la consistance nécessaire pour s'ériger en partis.» Appartient-il au ministère de l'Intérieur d'élaborer les projets de société défendus par les partis pour que «la consistance» soit admissible ? Cela fait des années que des partis tels que le Front démocratique ou l'Union pour la démocratie et la république ont déposé une demande d'agrément au ministère de l'Intérieur. Les cadres de ce département n'ont-ils pas eu largement le temps «d'étudier» ces dossiers, en recto et en verso ? Il est évident que malgré l'accélération des événements politiques aux frontières de l'Algérie, et qu'en dépit du climat social lourd, les autorités en sont toujours à la politique d'un pas en avant, deux pas en arrière. Jusqu'à quand ?