Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad vient d'effectuer une visite d'Etat de deux jours en Syrie, la première du genre depuis son investiture en juin 2005. Le choix de Damas pour cette première visite officielle à l'étranger du dirigeant ultraconservateur iranien est loin d'être fortuit. La Syrie représente en effet le seul îlot de résistance à Israël dans la région après la pacification de tous les autres pays arabes frontaliers avec Israël. Damas et Téhéran font face, par ailleurs, aux mêmes menaces de représailles alimentées par les Américains sous le couvert de l'ONU pour des raisons différentes dans la forme, mais qui se rejoignent dans le fond. Il apparaît en effet de plus en plus clairement que l'objectif recherché en ciblant ces deux pays qui représentent le noyau dur de l'opposition à Israël, c'est de les neutraliser et d'affaiblir leurs capacités de « nuisances ». Ces deux capitales que George Bush a identifiées comme faisant partie de « l'axe du mal » sont, depuis l'arrivée de Bush à la Maison-Blanche, dans le collimateur de l'Administration américaine qui en a fait une préoccupation de tout premier plan de sa stratégie proche-orientale. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant que les Israéliens aient pointé du doigt la Syrie et l'Iran, accusés d'avoir planifié et financé l'attentat suicide perpétré vendredi à Tel -Aviv par un kamikaze du Djihad islamique. Israël affirme détenir des preuves de l'implication de ces pays dans cet attentat avant même l'ouverture de l'enquête policière. Dans une partition bien réglée, les Américains ont réagi spontanément hier en affichant leur disponibilité pleine et entière à aider y compris militairement Israël en cas d'attaque de ce pays. L'Iran a également réagi hier aux accusations israéliennes, les considérant « sans fondement ». « Ces déclarations montrent le désespoir du régime sioniste », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hamid Reza Assefi, précisant que son pays apporte un « soutien seulement moral aux Palestiniens ». Le périple que vient d'effectuer le président iranien à Damas va très certainement pousser les Américains et leurs alliés à durcir encore davantage le ton à l'encontre de la Syrie et de l'Iran et à conforter la thèse de la menace que feraient peser ces deux pays pour la sécurité d'Israël ; ce qui justifierait et légitimerait des actions de représailles contre ces deux capitales. Le président iranien qui est un ancien Pasdaran n'est pas homme à se laisser intimider. Sa décision de recevoir à Damas des dirigeants de dix mouvements palestiniens radicaux dont le Djihad islamique s'apparente à une réponse du berger à la bergère. Au-delà de l'appui à la cause palestinienne et à la lutte armée des Palestiniens pour le recouvrement de leur souveraineté qu'il a tenu à réaffirmer en s'affichant avec des mouvements qui prônent la lutte armée pour libérer leur pays, le président iranien a tenu, par ailleurs, par ce geste à envoyer un message à ses adversaires en leur démontrant qu'il peut compter lui aussi sur des alliés sûrs dans le cas où l'Iran venait à être attaqué. Ayant déjà clairement choisi son camp dès son investiture, le président Ahmadinejad ne s'encombre plus de certains formalismes politiques et se sent délier de tout engagement pour défendre haut et fort à la face des Américains sa vision des relations internationales. Imprévisible, il ne cesse de dérouter ses adversaires sur lesquels il est toujours, en militaire rompu aux techniques de combat, en avance d'une guerre comme il l'a encore démontré à travers la décision prise vendredi dernier par son pays de transférer les avoirs de l'Iran des banques européennes vers les places financières des pays du Sud-Est asiatique, essentiellement vers les banques chinoises pour faire face à une éventuelle tentation de gel de ses avoirs de la part des Européens. Alors que les menaces se font de plus en plus précises, l'Iran vient encore une fois de brouiller les cartes en se déclarant « prêt à négocier le compromis d'enrichir son uranium en Russie sous condition d'associer la Chine dans cette opération de joint venture ». L'information est rapportée par le magazine allemand Der Spiegel à paraître aujourd'hui citant le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier qui a reçu dans ce sens un message du gouvernement iranien.