L'inattendu challenger du favori de la présidentielle iranienne a sorti le gros lot en mettant tous ses adversaires d'accord. En remportant haut la main la présidence de l'Iran, avec près de 62% des suffrages, Mahmoud Ahmadinejad, l'inattendu rescapé du premier tour, ferme la boucle en donnant à l'aile droite des islamistes iraniens la seule institution encore manquante à leur pouvoir aujourd'hui sans partage. Il est de fait que l'élection à la présidence du maire de Téhéran, un conservateur qui assume ses positions ultras, clarifie la donne politique iranienne. La surprise de ce second tour du scrutin présidentiel iranien est de fait la cinglante défaite du super-favori, l'ancien président (1989-1997) Akbar Hachemi Rafsandjani, qui obtient environ 37% des voix (selon les résultats officiels) se trouvant ainsi largement distancé par son challenger ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad élu avec 62% des suffrages. A l'opposé d'Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, un pragmatique qui savait arrondir les angles et se montrer mielleux et rassurant, -lequel espérait même rentabiliser l'héritage réformiste du président sortant, Mohamed Khatami-, Mahmoud Ahmadinejad est tout d'une pièce, jouant d'emblée carte sur table et n'hésitant jamais à appeler les choses par leur nom. Une franchise qui frise la naïveté, sans doute peu politique, -lui attirant toutefois la sympathie des déshérités du régime- mais situe l'homme dans un champ politique iranien certes fermé, mais loin d'être monolithique et qui reste travaillé de l'intérieur même du système quand le régime islamiste parut, à une certaine période de la présidence Khatami, ébranlé par les coups de boutoir des réformes initiées par le gouvernement réformiste. Toutefois, le système des mollahs, qui contrôlait déjà un grand nombre d'institutions iraniennes (en disposant de la Justice, du Conseil des Gardiens, des Gardiens de la Révolution, -Pasdarans- des Bassidji (milices islamistes) entreprit au début du second mandat de Mohamed Khatami de récupérer l'ensemble de ses prérogatives sur les institutions issues de la Révolution islamique. C'est ainsi que les élections municipales de 2003, qui ont balayé les réformistes, ont vu l'arrivée à la tête de la mairie de Téhéran un homme quasiment inconnu, Mahmoud Ahmadinejad, dans le même temps où les conservateurs récupéraient la majorité des municipalités du pays. Le rouleau compresseur conservateur, continuant sur sa lancée, bouta hors du Parlement les réformateurs, lors des législatives de 2004, parachevant cette reprise en main des institutions par la conquête de la présidence en 2005. Il aura suffi de deux ans à l'aile droite fondamentaliste des islamistes pour ramener les choses à ce qu'elles étaient au lendemain de la Révolution khomeyniste de 1979. Mahmoud Ahmadinejad, 49 ans, (23 ans à l'époque de la chute du règne impérial du Shah d'Iran) est le prototype d'une génération nourrie au sein de la Révolution islamiste dont il a fait un dogme de sa vie. De fait, M. Ahmadinejad est le premier laïc à devenir chef de l'exécutif depuis les deux brèves présidences de l'après-Révolution entre 1979 et 1981 de MM.Barzagan et Bani Sadr. Le nouveau président, resté un homme simple dans sa vie de tous les jours, présente de surcroît le visage rassurant d'un homme de bonne famille sachant mettre en confiance les gens. C'est le portrait le plus usité donné du nouveau président qui, en revanche, a des idées très tranchées sur tout ce qui convient à l'Iran et aux Iraniens. Reste certes à voir quels effets aura sur le nouveau chef d'Etat iranien le contact avec la réalité du pouvoir. Un pouvoir cependant très encadré par les conservateurs qui ont remis sous leur sujétion l'ensemble des institutions du pays. Au-delà des déclarations de circonstance ou des convictions anti-américaines -à tout le moins primaires- proclamées par M.Ahmadinejad, il faudra sans doute attendre sa prise de contact avec les arcanes du pouvoir pour qu'apparaissent la politique et le programme qu'il compte appliquer pour l'Iran. De fait, pour nombre d'observateurs, et notamment pour la nombreuse opposition iranienne, l'élection de M. Ahmadinejad est la meilleure chose qui puisse arriver à l'Iran. Ainsi, les opposants iraniens ont applaudi à l'élection du maire de Téhéran, le préférant nettement à M.Rafsandjani, selon eux, plus retors et plus opaque. Selon l'un des opposants iraniens, le président élu offre un «raccourci» à l'opposition dans la marche vers la «révolution» contre le régime et d'ajouter: «J'espère que c'est le dernier président de la République islamique». Un proche du fils de l'ancien Shah, Reza Pahlavi, a dit sa satisfaction en ce sens que, selon lui (Akbar Hachemi), «Rafsandjani aurait trompé le monde sur ce qu'il est réellement. Ahmadinejad, lui, est bien ce qu'il paraît. C'est bon pour le long terme, mais mauvais pour le court terme». Akbar Javanfekr, proche collaborateur du président élu, estime pour sa part que «c'est le vote du peuple. Nous l'apprécions et nous lui rendons hommage. Dieu nous a aidé à réussir». Les appréciations, négatives, qui sont faites sur lui ne semblent pas avoir ébranlé la détermination du nouveau président à remettre l'Iran sur le «bon chemin» de la Révolution islamique.