Les relations entre les Etats-Unis et le pouvoir militaire égyptien se sont tendues depuis qu'un responsable judiciaire égyptien a annoncé dimanche que 44 personnes, parmi lesquelles 19 Américains et d'autres étrangers, allaient être jugées pour des accusations de financement illégal d'associations en Egypte. La situation risque de se corser davantage après que des sénateurs américaine aient appelé, en représailles à ce procès, à supprimer l'aide annuelle accordée par Washington au Caire. La menace américaine n'a toutefois pas fait reculer la justice égyptienne. Hier encore, des magistrats égyptiens ont accusé des organisations non gouvernementales égyptiennes et étrangères, notamment américaines, de mener illégalement des activités «politiques». Il est reproché à ces ONG – parmi lesquelles figurent les organisations américaines National Democratic Institute (NDI), International Republican Institute (IRI) et Freedom House, ainsi qu'une allemande, la fondation Konrad Adenauer – d'avoir agi «sans autorisation» pour mener des «activités purement politiques sans rapport avec un travail auprès de la société civile», a affirmé devant la presse l'un des magistrats chargés de l'enquête, Sameh Abou Zeid. Les locaux de ces organisations avaient été perquisitionnés le 29 décembre dernier. Certains de leurs employés, dont des Américains, pourraient être jugés. La justice égyptienne a annoncé le 5 février que les cas de 44 travailleurs associatifs, dont des Egyptiens, 19 Américains, des Allemands, des Norvégiens, des Serbes, des Jordaniens et des Palestiniens avaient été déférés devant la cour criminelle du Caire en vue d'un procès à une date indéterminée. Selon M. Abou Zeid, ces activités «ont pris une autre dimension après la révolution du 25 janvier» qui a mis fin l'an dernier au pouvoir du président Hosni Moubarak. «Ces activités sont devenues politiques, avec de la formation dispensée à des partis politiques et des tentatives de mobiliser des gens», a-t-il ajouté. Il a également répété les accusations selon lesquelles ces associations opéraient en Egypte sans avoir de permis officiel et étaient financées illégalement depuis l'étranger. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, cette affaire a provoqué une crise entre l'Egypte et les Etats-Unis, qui apportent chaque année une aide de 1,3 milliard de dollars à l'armée égyptienne, au pouvoir depuis la chute du président Hosni Moubarak. Trois sénateurs américains ont ainsi mis en garde l'Egypte mardi à propos des poursuites engagées contre les responsables associatifs, prévenant que le risque d'une rupture «catastrophique» entre les deux pays avait rarement été aussi grand. Au département d'Etat, la porte-parole, Victoria Nuland, a assuré mardi que les organisations non gouvernementales «qui soutiennent la démocratie en Egypte jouent un rôle important dans le processus de transition et n'ont rien fait de mal» et a fait part de la «profonde inquiétude» de Washington. La presse officielle égyptienne, précise-t-on, n'a pas ménagé ces organisations, les accusant ouvertement d'avoir reçu quelque 200 millions de dollars des Etats-Unis et d'autres pays étrangers sous le couvert du «soutien à la démocratie et pour la défense des droits de l'homme le but étant de s'infiltrer dans la société égyptienne» pour semer le chaos et attiser les conflits et les contestations dans le pays. Le ministre de la Justice, Adel Abdelhamid, avait révélé en décembre dernier que «les sit-in qui ont eu pour théâtre le siège du Conseil des ministres et les incidents de Maspero entre autres ont établi un lien avec la question de financement de certaines organisations de la société civile provenant de l'étranger. La tension est montée d'un cran du côté égyptien à la suite des pressions américaines exercées par le biais de l'ambassadrice américaine en Egypte, Anne Patterson, qui a adressé une correspondance au ministre égyptien de la Justice relative au refus de la justice égyptienne d'autoriser des activistes américains à quitter le territoire égyptien car étant sous le coup d'une instruction judiciaire, ce que le Caire a considéré comme contraire aux us et coutumes diplomatiques.