A moins de trois mois des élections législatives, rien, absolument rien, n'indique que le pouvoir a changé son modus operandi dans la préparation des conditions politiques pour ce scrutin. Passée la peur panique de voir le feu des révoltes arabes prendre en Algérie, le régime revient tranquillement à sa recette «maison» qui consiste à fermer le jeu avant même l'entame du processus. On aura tous remarqué que ce sont toujours les mêmes experts à la petite semaine qui défilent sur l'écran unique (au pluriel) de l'ENTV. Ce sont aussi les mêmes têtes qui squattent les ondes des trois chaînes de la Radio nationale pour nous expliquer, doctement et d'un ton monocorde, qu'il faut voter et que le prochain scrutin sera décisif. Sans doute que ce débat politique au ras des pâquerettes va renforcer la conviction, chez l'auditeur et le téléspectateur algériens, qu'on est à la veille non pas d'une élection «honnête» mais bien d'un remake des précédentes mascarades électorales. Il n'est pas, en effet, de bon ton de donner la parole à ceux qui ne partagent pas la «cuisine» du régime. Exit toutes les voix discordantes qui pouvaient casser l'unanimisme radiotélévisé. C'est que le service public, en Algérie, se confond invariablement avec le service au régime. Appeler au boycott, qui est une pratique politique saine sous d'autres latitudes, adossée à une appréciation de la situation, est perçue comme une action antinationale. S'ensuit alors une propagande officielle insidieuse visant à diaboliser tous les partis, associations et collectifs et mêmes des journaux qui n'émargent pas dans les registres du régime. Ces derniers n'auront pas voix au chapitre. Les autres thuriféraires, eux, se frottent les mains de pouvoir être admis dans les mangeoires du système pour services rendus. Au régime. Aussi, le pedigree politique des personnalités à qui le ministère de l'Intérieur a daigné enfin offrir des agréments pour leurs partis renseigne-t-il bien que l'intention du pouvoir est moins d'élargir la représentation nationale que celle de sa clientèle. Le fait est qu'il a ouvert la porte à certains partis politiques, mais dans le même temps, a hermétiquement fermé la liberté de l'exercice syndical. Comment, alors, croire un régime, qui applique ses propres lois à la tête du client, capable d'un sursaut d'honnêteté ? Cela étant dit, au-delà du verrouillage politique et médiatique ambiant qui offre un écran de fumée aux Algériens qui veulent bien croire en ce «scrutin crucial», la mise à contribution des opérateurs de téléphonie mobile pour mobiliser les électeurs est un signe que le régime panique. Rappeler aux Algériens par SMS que «voter est un acte citoyen» renseigne sur une chose : ceux qui nous gouvernent savent très bien que le cordon ombilical qui les lie au peuple est irrémédiablement rompu. Bouteflika n'a d'ailleurs pas jugé utile de regarder ses compatriotes dans les yeux en lisant son discours. Une image parlante.