L'interdiction est passée inaperçue. Elle s'est faite en douceur, sans bruit. L'émission « Star Academy » n'est plus diffusée par la direction de l'ENTV, cédant au forcing des islamistes. C'est un fait grave. Seule l'Arabie Saoudite a osé commettre dans le monde arabe une telle indélicatesse. Le principal responsable du MSP savoure son triomphe, en promettant aux Algériens davantage de « pureté idéologique ». Les islamistes tentent de faire avancer leur combat pour l'instauration d'une république islamique, alors qu'ils éprouvaient toutes les difficultés à s'exprimer au moment où le terrorisme islamique faisait des ravages en Algérie. Ils étaient alors sur la défensive. Aujourd'hui, ils se sentent portés par les victoires des Frères musulmans en Egypte, du Hamas en Palestine et surtout sont encouragés par les graves concessions du pouvoir politique, notamment à travers « la charte pour la paix et la réconciliation » qui a consacré l'impunité pour les islamistes dont les mains sont entachées de sang. Ils exploitent, en outre, bruyamment la colère légitime des musulmans face à l'arrogance de l'extrême droite européenne, réduisant l'Islam au terrorisme. Que penser alors de l'attitude défaitiste des autorités face aux agissements des islamistes ? Elle n'est pas nouvelle. Elle n'étonne pas. En l'absence d'un projet de société fondé sur la modernité, en cultivant l'espoir et en s'attachant à résoudre l'ensemble des difficultés économiques et sociales qui minent la vie des Algériens, les autorités préfèrent contracter des alliances de courte vue avec des pans de l'islamisme, dans le but d'atténuer leur emprise sur la société. Peine perdue. A chaque retournement de situation, les islamistes renouent avec leur dogme et avancent, à nouveau, à visage découvert. Un scénario déjà vécu, durant la période 1989-1992, qui a fait basculer l'Algérie dans l'horreur. Aujourd'hui, on interdit des émissions artistiques, demain c'est l'embrigadement de la population, au nom de l'Islam, qu'on aura à subir. Ce qui est navrant dans cette grave dérive, c'est le silence coupable des artistes, réalisateurs, producteurs algériens. Nul ne s'en est offusqué. C'est une grave démission. Est-ce de la peur ? Probablement. Beaucoup ont été, il est vrai, lâchement assassinés. Mais tout de même, il est de leur devoir de dire leur colère, leur mécontentement et leur refus de cautionner un acte qui est, avant tout, une grave atteinte à la liberté de création et à la liberté artistique dans notre pays.