L'Office national des statistiques (ONS) a réalisé en 2011 un recensement économique, opération de toute première importance s'il en est et que nous attendions depuis 1973 ! Ces résultats préliminaires publiés ces derniers jours sont, pour ce qu'on en connaît jusqu'à maintenant, bien décevants. Tant au plan méthodologique qu'à celui de la teneur de ces premières données, qu'au plan du croisement des variables les plus significatives…, on espérait beaucoup mieux de la part de l'ONS. Nous préférons croire, tous, que le travail d'exploitation de cette importante opération coûteurse financièrement, lourde en mobilisation de ressources humaines, complexe en organisation, reste à venir et que nous en aurons bientôt pour notre argent avec la publication de données dignes d'un recensement économique exhaustif. Nous préférons tous croire que l'ONS est toujours cet instrument efficace et performant que nous avons connu dans les années 1970. Bien évidement, il ne s'agit nullement ici de jeter la pierre aux cadres de cet organisme, qui font des prouesses compte tenu des moyens dont ils disposent et du statut (bien peu valorisé) dont ils jouissent. Nous visons ici le peu d'intérêt qu'accordent «ceux qui sont aux affaires» à tout ce qui peut faire une Algérie solide, sérieuse, une Algérie qui gagne. Cette observation étant faite, que peut-on retenir de cette première livraison de l'ONS sur le recensement économique. Une grande conclusion d'abord : notre économie est finalement faite de bric et de broc. Pour ceux qui ont connu l'économie algérienne des années 1970 et 1980, il n'y a pas photo, comme disent nos amis africains. La régression est bien là et reste très dure à admettre. L'économie nationale hors agriculture et hors hydrocarbures est une économie de bazar dans le plein sens du terme. Et quand on connaît les insuffisances de plus en plus fortes de notre agriculture et le caractère éphémère de nos hydrocarbures, que reste-t-il ?! Il y a vraiment de quoi avoir froid dans le dos et le travail à faire est titanesque. Les données chiffrées publiées 959 718 entités économiques composent le tissu économique national. Mais, fait important à souligner, 90.6% de ces entités, soit 869 164, sont des entreprises individuelles qui ne possèdent pas de personnalité juridique distincte de celle de leur exploitant (l'ONS parle ici de «personnes physiques» à distinguer des «personnes morales»). L'ONS cite, entre autres : commerçants, artisans, professions libérales… «Notre économie est basée essentiellement sur des micro-entités», conclut l'ONS et des micro-entités de service et non de production matérielle porteuse de création de valeur, de transformation et d'innovation. En effet, ces entités économiques, personnes physiques, se répartissent comme suit. Secteur d'activité Nombre % -Industrie 97 202 10,1 -Construction 8746 0,9 -Commerce 528 328 55 -Services 325 442 34 -TOTAL 959 718 100
L'industrie algérienne Lorsqu'on sait ce qui est devenu le secteur industriel public (la fameuse industrie lourde de Belaïd Abdeslem) avec l'industrie mécanique (Sonacome), l'industrie électrique et électronique (Sonelec), l'industrie de l'électroménager, l'industrie sidérurgique (SNS), l'industrie métallique (SN Métal), de grands groupes aujourd'hui complètement déliquescents. On attendait les premiers résultats du recensement économique pour vérifier si toutes ces disparitions d'unités industrielles de biens intermédiaires et de biens d'équipements ont été remplacées. Jugeons-en. -1°) Notre industrie ou, pour être plus précis, ce qu'il en reste, est aujourd'hui à dominante privée comme l'indique le tableau suivant. Public Privée Autres Total -Industries extractives 25 1064 171 1460 -Industries manufacturières 1590 90 424 1888 93 902 -2°) Cette industrie manufacturière privée, largement dominante, se structure de la manière suivante. -Industrie agroalimentaire 23,4% -Produits métalliques 22,7% -Habillement 10,5% -Bois 2,9% -Textile 1,3% -Réparation et installation de machines 1,6% L'industrie lourde algérienne (ISMME) qui promettait, dans les années 1970, de réelles perspectives d'industrialisation du pays, a fait long feu et le tissu industriel actuel est réduit à la petite transformation de matières premières importées, sans perspectives d'innovation, de croissance interne et externe et surtout sans effet d'entraînement technologique et industrialisant, une petite industrie faite de petites unités tournées vers le marché intérieur et dépendant des importations d'équipements et de matières premières. Une situation tout à fait compréhensible pour les économies du Vietnam ou encore de Cuba, des économies sans grandes ressources. Mais faut-il rappeler que l'Algérie avait comme projet une industrialisation systématique, à fort taux d'intégration et à fort effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie ? Les services Le tissu économique est composé aussi du secteur des services : 325 442 entités, soit 34% de l'ensemble des entités économiques. Ce secteur des services comprend : -Transport et entreposage 2,6% -Restauration 15,2% -Télécoms (cybercafés, taxiphones…) 10,2% -Cabinets juridiques et comptables 5,4% -Santé (médecins privés, chirurgiens-dentistes) 5,3% Comme on peut le constater, ce sont des activités sans connexion aucune avec le développement de l'outil de production national : les services à l'entreprise, engineering, études, audit… sont en nombre insuffisant. Si on additionne les entités du secteur «commerce» et celles du secteur «services» (en fait des petites activités lucratives, certes mais loin de la production matérielle, loin de la création de valeur) nous avons 853 770 unités, soit 89% du tissu économique national. Nous sommes en pleine économie «bazarie» bien loin du projet économique des années 1970 qui devait placer l'Algérie parmi les économies émergentes !