Depuis la fin des années 1970, l'enseignement en Algérie des mathématiques dans les paliers primaire, moyen et secondaire est passé de la langue française à la langue nationale : l'arabe. Après le baccalauréat, les universités algériennes assurent l'enseignement de cette discipline en français ou en anglais pour les post-graduations. Ce qui a engendré des difficultés didactiques d'adaptation de l'étudiant à l'entrée de l'université. Cette situation a freiné l'engouement des jeunes bacheliers pour la filière mathématique à l'université. Ce constat, Rachid Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique l'a reconnu, mercredi dernier, à Annaba confirmant qu'un recul est constaté dans cette spécialité à travers les différentes universités algériennes. Une désertion traduite par une chute considérable du nombre d'étudiants inscrits dans cette discipline. «La filière mathématique attire moins d'étudiants dans l'université algérienne. Ce qui nous a poussés à inscrire au cœur des priorités de notre département de profondes réformes, dont le renforcement de cette spécialité à l'effet de faire face à la désertion des étudiants par rapport à cette discipline scientifique», a-t-il affirmé à l'ouverture des travaux du 3e Congrès des mathématiciens, organisé par la Société des mathématiciens algériens (SMA) à l'université Badji Mokhtar (Annaba). LES ETUDIANTS DESARMES Quelles en sont les raisons ? D'emblée, le professeur Sissaoui Hocine, directeur de laboratoire de recherche et chef du département des mathématiques à l'université Badji Mokhtar de Annaba, accuse le système éducatif algérien. Pour ce matheux, «les étudiants algériens arrivent à l'université sans qu'ils soient armés linguistiquement en français, encore moins en anglais. Ce qui pose un handicap majeur pour leurs cursus, puisque les ouvrages sont à 90% en anglais et à un degré moindre en français. Deux langues que les candidats aux études mathématiques ne maîtrisent pas.» Une problématique directement confirmée par le professeur Haiour Mohamed, docteur 3e cycle et responsable de la formation en modélisation mathématique dans la même université. Bien qu'il reconnaisse la disponibilité des moyens matériels nécessaires au développement de la discipline, cet éminent mathématicien considère que : «la difficulté est d'ordre didactique, car tout simplement il n'existe pas d'ouvrages mathématiques récents en arabe». Ce qui n'est pas de l'avis du professeur Benzaghou Benali, le président de la Société des mathématiciens algériens et patron de la plus grande université algérienne : l'USTHB de Bab Ezzouar à Alger. DES PROJETS DE RECHERCHE Ayant présidé la Commission de la réforme de l'éducation et de l'enseignement supérieur, Benali se défend en annonçant une reprise «jeune» dans la spécialité, notamment en matière de recherche. Tout en reconnaissant un passage à vide de 2 à 3 ans et le handicap linguistique dû à l'absence de publications multilingues, il se félicite de quelque 1000 projets de recherche dans le domaine au niveau national. Sur le plan de la qualité de l'enseignement, l'ancien conseiller technique du ministre de l'Enseignement supérieur étaye par l'existence de 52 laboratoires spécialisés dans son université, dont les cours sont dispensés par 1538 enseignants-chercheurs. Dans une déclaration à El Watan, le professeur Khelifa Zizi, ancien membre de l'ALN, mathématicien émérite, ex-professeur à l'université de Reims, ne croit pas à la décadence des mathématiques en Algérie. «Les relations que j'ai avec beaucoup d'enseignants de l'université algérienne m'inciteraient à répondre négativement à cette question au niveau universitaire. Peut-être y a-t-il un gap entre le secondaire et le supérieur, à cause de la rupture de la langue utilisée au secondaire, arabe, et au supérieur, français, pour les mathématiques», a-t-il estimé.