Aziz Derouaz, l'ex-sélectionneur de l'équipe nationale de handball et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, membre de l'amicale des anciens handballeurs, dit «ne plus supporter la situation qui prévaut dans le handball algérien qui court à sa perte si rien n'est fait pour arrêter cette spirale infernale qui est en train d'anéantir cette magnifique discipline.» Ecoutons-le sur un sujet qu'il maîtrise parfaitement. - Monsieur le ministre, vous semblez remonté par rapport à la difficile situation que traverse le handball… Remonté, c'est peu dire. Je suis outré, révolté par le silence qui confine à la complicité qui entoure le drame du handball algérien. Voilà une des disciplines qui a valu à l'Algérie beaucoup de satisfactions par le passé, et qui présentement est confrontée à de graves problèmes sans que cela inquiète outre mesure les premiers responsables du sport algérien, à leur tête le ministère de la Jeunesse et des Sports qui laisse pourrir la situation à des fins que personne n'arrive à comprendre.
- Soyez plus clair… Depuis presque une année, le handball est en crise suite à la décision irréfléchie et irresponsable de ceux qui dirigent la fédération qui ont imposé un changement du système de compétition ; eux parlent de formule, et c'est la même chose, sans passer par l'assemblée générale. Cela a entraîné le retrait de 3 formations, à savoir le GSP, El Biar et Saïda. Sous d'autres cieux, cette situation n'aurait pas perduré plus d'une semaine. Chez nous, elle traîne depuis des mois, sans que cela fasse réagir la tutelle. Dans un premier temps, on pensait que le problème allait être sérieusement pris en charge par la partie concernée. A l'arrivée, on constate, malheureusement, que l'objectif recherché était le pourrissement. L'intervention de la puissance publique était plus que souhaitée par les amoureux du handball, elle n'est jamais venue. Pis encore, le MJS a laissé faire une fédération hors-la-loi. L'absurde a été atteint avec la décision d'annuler une compétition aussi prestigieuse que populaire, c'est-à-dire la coupe d'Algérie. Une telle décision pouvait être prise dans le cas d'une catastrophe naturelle ou à de graves problèmes liés à un malaise social. Rien de tout cela ne s'était produit. Vous savez pourquoi la fédération a annulé la coupe d'Algérie cette saison ? A cause uniquement des 3 clubs qui ont refusé de se soumettre au diktat de la fédération. Leur décision de prendre part aux rencontres de coupe d'Algérie n'a pas été appréciée par la fédération, qui a préféré baisser le rideau de cette compétition pour leur faire barrage. Est-ce normal ? A mon avis, c'est une grave dérive que le MJS n'a rien fait pour éviter.
- A votre avis, cette situation aurait-elle pu être évitée ? Tout à fait… s'il y avait une volonté sincère d'éviter au handball cette impasse dangereuse. Est-il concevable de modifier le système de compétition 3 semaines avant le début de la saison ? Pourquoi le MJS n'a pas bougé le petit doigt pour rappeler la fédération au respect de ses propres règlements ? A ma connaissance, celle-ci agit par délégation du MJS qui peut à tout moment la lui retirer s'il juge qu'elle enfreint les règles, et c'est le cas. Les 3 clubs se sont exprimés sur ce sujet brûlant par une action civilisée, à savoir le boycott en signe de protestation contre la décision de la fédération. Dans un premier temps, la famille du handball a cru naïvement que tout allait rentrer dans l'ordre à partir du moment où la tutelle a demandé aux 3 clubs de mettre en veilleuse leur légitime revendication, et ce, afin de protéger l'équipe nationale qui allait prendre part au championnat d'Afrique au Maroc. En contrepartie de ce geste, le MJS avait décidé de peser de tout son poids auprès de la fédération pour surseoir aux sanctions infligées aux clubs concernés par le boycott. On pensait alors que la sagesse avait prévalu et que la saison ne serait pas hypothéquée. Grosse surprise après le championnat d'Afrique au Maroc, la fédération passe en force, exclut les 3 clubs, fait savoir aux joueurs de ces clubs qu'ils peuvent signer où ils veulent…
- A priori, le malaise couvait depuis le printemps dernier… Effectivement, en avril 2011, huit (8) membres du bureau fédéral avaient dénoncé la gestion de la fédération. A l'époque, ils ont saisi le président de la FAHB, le ministre. En retour, la fédération les a sanctionnés. Depuis, un des 8 membres est décédé et les autres n'ont pas été remplacés au bureau fédéral. Toutes les décisions prises depuis sont nulles, car jamais le quorum n'a été atteint malgré le fait que deux membres parmi les signataires du document cité ont réintégré le bureau fédéral. Mieux, le bureau fédéral a fait appel à 3 membres que la fédération avait suspendus pour corruption. Les trois clubs qui ont refusé de se soumettre à la «loi» de la fédération se sont normalement dirigés vers le Tribunal arbitral des sports (TAS) algérien qui leur a donné raison en prononçant l'annulation de toutes les décisions de la fédération. Le tribunal de Bir Mourad Raïs a délivré la requête d'exécution. La fédération fait toujours la sourde oreille et ne veut pas exécuter la décision sans que cela gêne le MJS, qui regarde de loin comme s'il n'était pas concerné par ce qui arrive au handball algérien. Dans cette affaire, le MJS s'est paré des habits de spectateur sans plus. Comment doit-on comprendre le silence, pour ne pas dire autre chose, qu'observe le MJS ? Au TAS, la fédération a été incapable de présenter les documents pour attester que la décision de modifier le système de compétition était couverte par ses propres règlements. Dans tout cela, ce sont les joueurs qui sont pénalisés. Ils ne participent plus aux compétitions officielles, leur volume de jeu et le rythme sont en baisse, moralement, et psychologiquement ils sont affectés, au plan financier, c'est pareil. Ils ne jouent plus, ils ne perçoivent plus de primes, sans compter l'incertitude qui entoure leur avenir immédiat. Comment voulez-vous ensuite préparer et motiver des joueurs qui vont défendre les couleurs nationales en compétitions internationales ?
- C'est tout l'édifice du handball qui est ébranlé par cette affaire… C'est le moins que l'on puisse dire. Il n'y a pas que les clubs et les joueurs qui sont sanctionnés par cette lamentable situation, même les férus de handball et les supporters sont touchés par ce qui arrive. Le GSP et El Biar sont privés de coupe d'Afrique. C'est l'anéantissement de plusieurs années de travail et de sacrifices qui partent en fumée. C'est le handball, un segment important du mouvement sportif national, qui est pris en otage. C'est l'incompétence qui a conduit à cette lamentable situation. Une poignée d'hommes qui agit en toute impunité et prend des décisions hors-la-loi est la source de ce drame. Ces individus ont accaparé la discipline et font ce qu'ils veulent au mépris de la loi. Le MJS laisse faire et ne bouge pas le petit doigt pour veiller au respect de l'ordre républicain et de ses propres lois. C'est la mort programmée du handball.
- La position qu'observe le MJS vis-à-vis de cette situation intrigue plus d'un. Quel est votre avis ? Chacun a sa propre explication. Il me semble que les individus qui sont à la fédération jouent la carte de l'ingérence des pouvoirs publics pour faire reculer le MJS et faire ce qu'ils entendent mener comme actions au sein de cette instance. Moi, personnellement, je penche pour une collusion entre la FAHB et l'instance internationale. Ma lecture est la suivante. Deux faits plaident pour elle. Notre fédération avait pour mission en 2009 de faire barrage à ma candidature à l'élection au poste de président de la fédération internationale. Elle a bien rempli sa mission en me privant de me présenter lors de ce scrutin contre le président actuel. Dans ces instances, on n'oublie pas les services rendus. La fédération tient à distance le MJS par rapport à cela. Ensuite, il y a lieu de s'interroger sur le fait suivant. Le secrétaire général de la FAHB a «pris» les deux fonctions qui étaient celles de Djaâfar Belhocine au sein de l'IHF.
- Dans cette affaire, le gros des critiques est concentré sur le secrétaire général de la FAHB, pourquoi ? Il est le mal du handball. Vous avez remarqué que ni les 3 clubs qui boycottent la compétition ni les membres du bureau qui ont pris leurs distances avec cet organe n'ont, ne serait-ce qu'une seule fois, demandé le départ du président ni touché au bureau fédéral. Dès le départ, il y avait une seule revendication. Mettre fin aux fonctions du secrétaire général. Les gens s'interrogent, à juste raison d'ailleurs, sur les raisons de l'immobilisme du MJS par rapport à cette question. Il est protégé par qui ? Une information non vérifiée a fait état, ces derniers jours, d'une décision mettant fin à ses fonctions mais qui est bloquée par qui. Pendant ce temps, le handball se meurt. Nos principaux adversaires régionaux, tunisiens et égyptiens multiplient les stages et regroupements et leurs efforts sur la formation. En Algérie, les petites catégories sommeillent en matière de préparation en prévision des futures échéances. Les U19 et U21 ont fait un seul regroupement de 6 jours. Les U17 n'ont pas été regroupés une seule fois. L'Algérie s'est portée candidate pour l'organisation du championnat d'Afrique en 2014. Comment la fédération compte-t-elle préparer cet important rendez-vous qu'il faut à tout prix réussir au plan technique et des résultats ? En restant sur la ligne suicidaire actuelle ? Ce crime contre le handball n'augure rien de bon pour la discipline qui a enfanté de très grands joueurs et de très grandes sélections dans le passé. Aujourd'hui, le handball est livré aux premiers venus. Ce qui se passe est un désastre et le handball ne s'en relèvera pas facilement.