Il avait la voix radiophonique, caractéristique, caverneuse, patriarcale et nullement sénile, le flegme et l'indolence d'un petit vieux à l'espièglerie au sourire en coin, la générosité et la grandeur humaine incarnées. Et puis un faux air d'Ernest Hemingway, entre deux volutes de tabac, entre un sourire, un rire et un rictus. Il respirait et transpirait simplement la bonté des humbles. Cet homme, c'était le grand et l'immense poète algérien, moudjahid, homme de radio et critique littéraire, Djamel Amrani, l'auteur de Le Témoin et Bivouac des certitudes. Il y a voilà une année qu'il nous a quittés, à l'âge de 70 ans. C'était une certaine journée du 2 mars 2005. C'était un mécène et un agitateur de jeunes talents qu'il protégeait, encourageait et portait au firmament. Et ce, en adoptant un forcé profil bas. « Je n'ai jamais voulu parler de moi. C'est égoïste... ! », estimait-il. Et pourtant, ce trouvère, quelques mois avant sa disparition, avait été le récipiendaire d'une récompense internationale révélant la dimension poétique, littéraire, utile, intellectuelle, universelle, humaine et surtout cardinale d'une trentaine d'œuvres (Bivouac des certitudes, Le dernier crépuscule, L'été dans ta peau, Vers l'amont...) au service de son prochain, de ses semblables : les humains et de sa patrie, l'Algérie. Pour laquelle il a été un battant, un combattant, un résistant, un moudjahid, sans démagogie, un « blessé » de guerre psychologiquement et un enfant prodigue et prodige de la prosodie et autres allitérations à la consonance balistique, créative et lyrique algérienne. Car marqué à vie par la barbarie belliqueuse et coloniale de l'armée française. Le 13 juillet 2004, Djamel Amrani s'était vu décerner la médaille Pablo Neruda, à l'effigie de l'illustre ménestrel et progressiste chilien, le non moins prix Nobel de littérature en 1971. Djamel Amrani est né le 19 août 1935 à Sour El Ghozlane. André Breton dira de lui : « Djamel Amrani est immense, il est le plus grand poète de l'Algérie... » Sa toute première œuvre fut Le témoin en 1960 aux éditions de Minuit. Et puis suivront des pontes aux succès d'estime comme Soleil de notre nuit, en 1964. Dans cette quête intrinsèque à la recherche de sa pierre de touche, Djamel Amrani trouvera ses pairs l'ayant soutenu dans les pires moments. Ils s'appellent Kateb Yacine, Malek Haddad, Jean Sénac, Issiakhem, Mohamed Zinet... « Kateb Yacine et Jean Sénac ont été des frères immenses pour moi. Je me dois de saluer leurs mémoires. Malek Haddad avait été un grand ami... » Djamel Amrani se définit tel un révolutionnaire non pas du verbe mais du mot : « Je jouais pour la syntaxe quelle qu'elle soit...C'est un jeu avec mon histoire quand j'ai appris à lire et à écrire... »