Nessma TV, qui se positionne comme «la chaîne du grand Maghreb», sera-t-elle aspirée par l'empire Rotana ? Des négociations sont, en tout cas, en cours entre le magnat des médias, le prince saoudien Walid Ibn Talal, et les actionnaires de la chaîne fortement éprouvés par la crise de la zone euro. Selon le magazine tunisien Entreprises, citant des sources proches de la chaîne, les pourparlers seraient en bonne voie. Les négociations seraient menées par l'homme d'affaires Tarek Ben Ammar, présent dans le capital de la chaîne au même titre que Silvio Berlusconi. Nabil Karoui, fondateur historique de Nessma TV, aurait consenti à céder les 25% qu'il détient dans le capital. «Si l'opération de cession venait à être conclue, la Tunisie perdrait le contrôle d'un média avant-gardiste, regardé par des millions de téléspectateurs dans tous les pays du Maghreb», est-il écrit dans la dernière édition de la revue. Le fait est que les revenus publicitaires de la chaîne peinent à s'envoler. Les insertions publicitaires représentent à peine 500 000 euros, bien loin des chaînes publiques tunisiennes et de sa rivale Hannibal TV. Nessma TV n'en n'est pas à ses premiers déboires financiers. En 2008, le producteur Tarek Ben Ammar et l'ex-cavaliere Silvio Berlusconi étaient venus à sa rescousse en apportant 30 millions d'euros à parts égales pour acquérir 50% des parts de la chaîne créée par les frères Karoui. Aujourd'hui, les principaux actionnaires ne sont pas en mesure de renflouer les caisses. En désespoir de cause, le producteur Tarek Ben Ammar a ainsi fait appel à son ami saoudien (dont il était le conseiller), Walid Ibn Talal. Le fondateur historique de Nessma, Nabil Karoui, fait figure de grand perdant dans cette transaction, lui dont la réputation a été faite par la chaîne. Les plateaux lumineux de Nessma pourraient ainsi devenir la propriété du milliardaire saoudien, dont le magazine Forbes évalue sa fortune à 19,6 milliards de dollars (26e rang mondial). Le Tycoon saoudien a déjà investi dans les banques (Citi Group), la construction, l'immobilier, l'hôtellerie (pas moins de 180 hôtels), les parcs Disney, mais aussi Aol, Motorola, Ebay et, depuis peu, Twitter. L'homme d'affaires porte une attention particulière aux médias. Il détient déjà des parts dans les plus grands titres de la région, Al-Sharq Al Awsat et Al Hayat, ainsi que Al Nahar et Al Diyar au Liban… Le fleuron d'Ibn Talal est sans doute Rotana, label créé en 1987, regroupant des chaînes télé de divertissements (musique, clips, cinéma), une maison de disques (Rotana Records), une société de spectacles (Rotana Events), une agence de publicité, un hebdomadaire spécialisé ainsi qu'une chaîne de cafés branchés, les Rotana cafés, destiné à s'implanter dans toutes les grandes villes de la région. Au total, Rotana «pèse» environ 1,5 milliard de dollars Les chaînes Rotana font grincer des dents les religieux saoudiens et égyptiens et font l'objet de plusieurs fatwas. Certains imams ont souligné que les effets de ces chaînes seraient «plus dévastateurs que ceux de la drogue». Pour ne pas être en reste du développement du paysage médiatique arabe, Ibn Talal a aussi lancé une chaîne islamique El Rissala. Le prince iconoclaste a aussi racheté pour quelque 100 millions de dollars les parts de Saleh Abdullah Kamel dans la LBCI (Lebanese Broadcasting Corporation International), passée au satellite en 1996. En prenant le contrôle de Nessma, Walid Ibn Talal, qui a nommé son entreprise El Mamlaka El Qabidha (le royaume qui a de la poigne), prendrait ainsi racine dans le Maghreb.